L'ironie est amère: depuis l'élection du premier président de couleur aux États-Unis, les conditions de vie des Noirs se sont largement détériorées dans le pays.

À la veille de l'élection présidentielle du 6 novembre, Frederick Harris, politologue de l'Université Columbia, avait brossé de la situation le portrait suivant: 28% des Afro-Américains et 37% des enfants noirs vivaient dans la pauvreté (comparativement à 10% des Blancs et 13% des enfants blancs); 13% des Noirs étaient au chômage (comparativement à 7% des Blancs); plus de 900 000 hommes noirs étaient en prison; de tous les groupes raciaux, les Noirs étaient ceux qui avaient connu la baisse de revenus la plus forte depuis 2007; la richesse des foyers noirs, concentrée de façon disproportionnée dans le logement, avait atteint un creux qu'on n'avait pas vu depuis des décennies; en 2009, 44% des nouveaux cas de VIH étaient des Noirs.

Barack Obama ne peut évidemment pas porter à lui seul la responsabilité de cette situation. Mais plusieurs intellectuels et militants afro-américains lui ont reproché de ne pas avoir présenté de véritable programme pour résoudre les problèmes des Noirs et des grandes villes américaines.

C'est le cas de Ronald Brown, politologue à la Wayne State University, à Detroit: «Nous assistons à l'ultime chapitre de l'abandon des grandes villes par le gouvernement fédéral, dit-il. Personnellement, je ne vois pas de différence sur cette question entre Obama et ses prédécesseurs, des Bush père et fils en passant par Bill Clinton. Les priorités du président actuel demeurent celles des grandes entreprises.»

Ronald Brown éclate de rire lorsqu'on lui demande si Detroit et ses citoyens noirs étaient en droit de s'attendre à une approche différente de la part du premier président de couleur.

«Si les électeurs noirs de Detroit avaient lu les écrits de Barack Obama, ils se seraient aperçus qu'il n'avait rien promis de tel. Les Noirs et les progressistes espéraient qu'il s'attaque aux problèmes des villes, mais il n'y a rien à ce sujet dans ses écrits.»

Ronald Brown reconnaît que la question raciale a probablement contribué au silence de Barack Obama concernant les problèmes des Noirs et des grandes villes.

«On ne peut pas faire abstraction de cette question, dit le politologue. Même si Obama avait voulu mettre en place un programme pour les grandes villes, il aurait fait face à une opposition qui est hostile aux minorités. Cela dit, je sais que plusieurs personnes auraient souhaité qu'il tente de faire quelque chose pour répondre aux besoins de ses plus fervents partisans.»