La longue bataille pour affaiblir les syndicats aux États-Unis a pris un nouveau tournant et touche à présent le coeur du mouvement ouvrier, dans le Michigan, où le gouverneur républicain s'apprête à signer une loi controversée.

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La Chambre des représentants de l'État a approuvé mardi un texte vivement critiqué par les syndicats, qui ne rendra désormais plus obligatoire le fait de payer des cotisations syndicales pour les ouvriers d'une entreprise publique ou privée.

Seuls les membres syndiqués devront s'acquitter de ces frais, ce qui, notent les détracteurs de la loi, poussera les travailleurs à ne pas rejoindre les syndicats pour économiser de l'argent en des temps difficiles.

Le Sénat du Michigan, dans le Nord des États-Unis, avait déjà voté en faveur du texte la semaine dernière --les deux chambres sont dominées par les républicains-- et le gouverneur Rick Snyder l'a promulguée dès mardi après-midi.

En signe de protestation, des milliers de personnes ont manifesté mardi devant le Congrès du Michigan, dans la capitale Lansing. Après des échauffourées avec la police, au moins deux personnes ont été arrêtées, selon les forces de l'ordre, qui ont utilisé des bombes lacrymogènes contre la foule.

«Il va y avoir du sang, il va y avoir des répercussions» à cette loi, a lancé devant la Chambre l'élu démocrate Douglas Geiss.

Pour justifier cette législation, dite du «droit au travail», le gouverneur Rick Snyder assure que le texte est nécessaire pour «maintenir notre avantage compétitif» et attirer de nouveaux emplois, surtout après que l'Indiana voisin est devenu cette année le 23e État sur 50 à promulguer une telle loi.

Lors d'un déplacement lundi dans une usine automobile du Michigan, le président démocrate Barack Obama a fermement condamné ces nouvelles mesures: «Vous savez, ces lois sur le soi-disant "droit au travail", elles n'ont rien à voir avec l'économie. Elles ont tout à voir avec la politique».

«Attaque directe contre le monde ouvrier»

Ces lois avaient jusqu'à présent été limitées aux États avec une faible présence syndicale, notamment dans le Sud et l'Ouest du pays.

Leur extension au coeur même des régions traditionnellement industrielles de l'Indiana et du Michigan --lieu de naissance du United Auto Workers Union, l'un des plus importants syndicats d'Amérique du Nord-- marque un tournant.

Elle intervient après des tentatives d'élus républicains locaux arrivés au pouvoir en 2010 de réduire les droits de négocier des syndicats dans la «Rust Belt» («ceinture de rouille»), zone de développement historique des industries lourdes s'étendant de Chicago au Nord-Est des États-Unis.

C'est le cas du Wisconsin et de l'Ohio, dont les assemblées ont fait adopter des lois limitant les conventions collectives des salariés du secteur public.

Si dans l'Ohio, les syndicats sont parvenus à renverser ce genre de législations, dans le Wisconsin les restrictions demeurent.

Pour Harley Shaiken, professeur à l'Université Berkeley de Californie, le gouverneur Snyder et ceux qui l'imitent ou l'ont imité vont «payer un coût politique élevé»: «Ils ont déclenché une guerre qui n'existait pas (...) c'est une attaque directe contre le monde ouvrier».

Les syndicats restent puissants sur le plan économique et politique aux États-Unis, même si les adhésions sont tombées de 20,1% des travailleurs en 1983 à 11,8% en 2011.

Roland Zullo, de l'Université du Michigan, explique que si les entreprises vont profiter de ce genre de lois, les vraies motivations des élus restent politiques, «car les syndicats dans le Michigan ont été des acteurs très importants pour la victoire des démocrates aux dernières élections».