Christine Quinn a sans doute grimacé la semaine dernière en prenant connaissance d'une exclusivité du New York Times: lors d'une conversation téléphonique, il y a quelques mois, Michael Bloomberg a encouragé Hillary Clinton à briguer en novembre 2013 la mairie de New York qu'il devra quitter après trois mandats.

Comme la plupart des lecteurs du Times, la présidente du conseil municipal de New York ne doute probablement pas de la réponse de la secrétaire d'État américaine à l'appel du maire de New York: un grand éclat de rire signifiant à la fois sa surprise et son désintérêt.

Mais la politicienne à la chevelure rousse a dû se sentir quelque peu trahie par celui qui était considéré jusque-là comme son allié le plus important dans la course à sa succession. L'appel de Michael Bloomberg à Hillary Clinton ne signifiait-il pas qu'il n'était guère emballé par les candidats actuels à la mairie, y compris Christine Quinn?

Le lendemain de l'exclusivité du Times, le maire de New York, flanqué de la présidente du conseil municipal, a répondu à cette question en accusant les journalistes de vouloir «partir une chicane entre Chris et moi».

«Cette femme a apporté une énorme contribution à la ville. Elle a la trempe d'un leader et je n'ai que du respect pour elle», a déclaré Michael Bloomberg.

Diplomate, Christine Quinn a ajouté, dans son fort accent du Long Island, la grande banlieue new-yorkaise où elle a vu le jour il y a 46 ans au sein d'une modeste famille d'origine irlandaise: «Je pense que Hillary Clinton excellerait dans n'importe quelle position qu'elle prendrait.»

Sondages favorables

Mais il ne fait aucun doute que Christine Quinn préférerait que la chef de la diplomatie américaine aille se faire voir ailleurs. Car, dans l'état actuel des choses, ses chances de succéder à Michael Bloomberg sont excellentes. Fin novembre, elle récoltait 32% des intentions de vote aux élections primaires prévues en septembre 2013, soit plus que le total combiné de ses quatre concurrents démocrates les mieux placés.

Selon le même sondage, un candidat démocrate, quel qu'il soit, serait élu en novembre 2013 face aux républicains pressentis, y compris le chef de police Raymond Kelly.

Une victoire de Christine Quinn permettrait au Parti démocrate de conquérir la mairie de New York pour la première fois depuis l'élection, en novembre 1993, de David Dinkins, premier maire noir de la métropole américaine. Celui-ci a été battu quatre ans plus tard par le républicain Rudolph Giuliani, à qui a succédé Michael Bloomberg, élu en 2001 et réélu en 2005 sous la bannière républicaine avant de devenir indépendant en 2007.

En l'emportant en 2013, Christine Quinn pourrait également entrer dans l'histoire comme première maire lesbienne de New York. Après avoir longtemps milité pour la légalisation du mariage gai dans l'État de New York, elle s'est mariée en mai avec sa compagne, Kim Catullo, une avocate.

Ex-militante de gauche

Mais son orientation sexuelle et son statut civil ne devraient pas peser sur la prochaine campagne à la mairie de New York. Ses adversaires démocrates préféreront soulever des questions sur le parcours singulier de cette ancienne militante de gauche devenue l'alliée d'un maire milliardaire.

Après ses études, Christine Quinn a en effet milité pour le logement social à New York, une cause qu'elle a défendue avec passion. Elle a fait ses premiers pas en politique en dirigeant la campagne de Thomas Duane, un militant pour les droits des homosexuels, au conseil municipal. Elle a elle-même été élue en 1999 au conseil municipal, où elle représente quelques-uns des quartiers les plus progressistes de New York, dont SoHo, Greenwich Village et Chelsea.

De 1999 à 2006, Christine Quinn a adopté une attitude souvent conflictuelle face aux maires Giuliani et Bloomberg, s'opposant à plusieurs de leurs projets. Elle a cependant changé d'approche depuis qu'elle est devenue la première femme élue à la présidence du conseil municipal. Elle a notamment orchestré en 2008 l'adoption d'une loi controversée ouvrant la voie au troisième mandat de Michael Bloomberg. Dans les années 90, les New-Yorkais avaient choisi par voie référendaire de fixer à leurs maires une limite de deux mandats consécutifs.

Sur le plan politique, une alliance avec Michael Bloomberg a certes aidé Christine Quinn, qui peut désormais compter sur l'appui financier du monde des affaires. Mais plusieurs de ses anciens compagnons d'armes sont méfiants ou désabusés à son égard.

Christine Quinn a déjà qualifié ses critiques d'idéologues «naïfs» et rappelé qu'«il y a très peu de choses dans la vie où tout est blanc ou noir». «Tout est habituellement plus compliqué que ça», a-t-elle ajouté.