Elle a fait de brillantes études dans deux grandes universités, Stanford et Oxford. Elle a occupé le poste de secrétaire d'État adjointe pour les affaires africaines sous Bill Clinton, après avoir travaillé au sein du Conseil pour la sécurité nationale. Depuis le début de la présidence de Barack Obama, elle agit comme ambassadrice des États-Unis à l'ONU.

Et pourtant, Susan Rice «n'est pas qualifiée» pour remplacer Hillary Clinton au poste de secrétaire d'État, a affirmé récemment John McCain, le même homme qui a choisi Sarah Palin comme colistière en 2008. En fait, la diplomate de 48 ans est «incompétente», selon Lindsey Graham, un autre sénateur républicain, qui a promis de s'opposer à sa nomination éventuelle à la tête du département d'État américain.

Les déclarations des sénateurs McCain et Graham s'inscrivent dans une étrange campagne contre Susan Rice, dont la nomination n'a même pas encore été annoncée par Barack Obama. Celui-ci osera-t-il défier l'opposition républicaine en choisissant cette femme controversée dont il est proche pour succéder à Hillary Clinton, qui a décidé de quitter son poste au début de 2013? La question obnubile Washington ces jours-ci.

Susan Rice est dans la ligne de mire des républicains depuis le dimanche 16 septembre. Ce jour-là, elle a déclaré sur cinq chaînes que l'attaque du 11 septembre contre le consulat américain de Benghazi n'était pas «forcément un attentat terroriste», mais résultait plutôt d'une «manifestation» contre le film L'innocence des musulmans ayant «dégénéré».

L'administration Obama a plus tard reconnu le caractère terroriste de l'attaque ayant causé la mort de quatre Américains, dont l'ambassadeur Christopher Stevens.

Les républicains ont vite accusé Susan Rice d'avoir propagé des faussetés pour ne pas nuire aux chances de réélection de Barack Obama, qui se vantait de son bilan contre Al-Qaïda. L'ambassadrice s'est défendue en affirmant s'en être tenue strictement aux informations que lui avaient fournies les services de renseignement américains.

Susan Rice a répété le même message la semaine dernière lors d'une rencontre avec les sénateurs McCain, Graham et Kelly Ayotte, à laquelle a également participé Michael Morrell, directeur de la CIA par intérim. Mais elle n'a pas réussi à satisfaire ses interlocuteurs.

Hypocrisie?

Les défenseurs de Susan Rice accusent ses critiques d'hypocrisie. Ils font valoir que les sénateurs McCain et Graham ont approuvé en 2005 la nomination de Condoleezza Rice au poste de secrétaire d'État malgré ses déclarations erronées ou mensongères concernant le soi-disant programme nucléaire de l'Irak.

Plusieurs théories ont été formulées pour expliquer la campagne républicaine. L'une d'elles veut que John McCain n'ait pas pardonné à Susan Rice ses critiques à son encontre lors de la campagne présidentielle de 2008. La diplomate, alors conseillère de Barack Obama, avait notamment reproché au candidat républicain d'avoir contribué à «la plus grande erreur stratégique de notre génération» en votant en faveur de la guerre en Irak. Elle avait également dénoncé sa «confusion» sur ce qui se passait dans ce pays.

John McCain ne serait pas la seule personne à avoir été froissée par une déclaration de Susan Rice. Celle-ci a la réputation d'être directe et agressive, sans doute trop au goût de certains, dont l'ambassadeur russe à l'ONU, qui lui a conseillé un jour de remplacer ses jurons «par quelque chose de plus victorien».

Son langage n'est pas la seule ombre au tableau de Susan Rice. Celle-ci a elle-même exprimé un vif regret pour l'inaction de l'administration Clinton face au génocide de 1994 au Rwanda alors qu'elle était chargée des affaires africaines au département d'État.

Une autre théorie est mise de l'avant pour expliquer la campagne dont fait l'objet Susan Rice: en la dénigrant, les républicains voudraient forcer Barack Obama à choisir un autre candidat pour remplacer Hillary Clinton, en l'occurrence John Kerry. Ce choix mènerait à la tenue d'une élection spéciale au Massachusetts pour combler le siège laissé vacant au Sénat par le nouveau secrétaire d'État. Un siège que pourrait alors briguer le républicain Scott Brown, qui vient de perdre le sien contre la démocrate Elizabeth Warren.

«Je pense que John Kerry serait un excellent choix», a déclaré la semaine dernière la sénatrice républicaine du Maine Susan Collins, tout en se disant «troublée que notre ambassadrice aux Nations unies ait accepté de jouer ce qui était essentiellement un rôle politique au plus fort de la campagne électorale».

Vue sous cet angle, la nomination de John Kerry comme secrétaire d'État serait perçue comme une capitulation par plusieurs défenseurs de Susan Rice.