Les débats sont entrés dans le vif du sujet mardi à Guantanamo au deuxième jour de l'audience des accusés des attentats du 11-Septembre, centrée sur la classification secret défense de tous leurs faits et gestes.        

« Quelle information est en réalité classée secret défense? », a demandé l'un des avocats, James Connell. Comme « toutes les déclarations des accusés sont présumées contenir des informations top secret », parle-t-on aussi de « ce qu'ils vont avoir à manger à midi »?

La question a été posée en l'absence de trois des cinq accusés, qui ont choisi mardi de ne pas assister à l'audience, après y avoir été autorisés la veille par le juge militaire.

Cette audience, la première depuis la mise en accusation des cinq hommes en mai, est destinée à préparer le procès « du siècle », selon les experts, qui ne s'ouvrira pas avant un an sur la base navale américaine, située à Cuba, à des milliers de kilomètres de Manhattan où le président Barack Obama voulait initialement les juger.

Le Pakistanais Khaled Cheikh Mohammed, le « cerveau » des attentats les plus meurtriers de l'histoire américaine, qu'il a revendiqués « de A à Z », était absent du tribunal, ainsi que son neveu Ammar al-Baluchi et le Saoudien Moustapha al-Houssaoui.

Seuls les Yéménites Walid Ben Attach et Ramzi ben al-Chaïba, vêtus de tuniques blanches traditionnelles et coiffés de turbans - beige pour le premier et rouge pour le second -, ont fait acte de présence.

Le juge James Pohl les avait autorisés la veille à se faire excuser à condition d'en informer l'autorité militaire et de signer un acte officiel le matin avant l'audience.

Le colonel Pohl leur a aussi accordé mardi le droit de porter les attraits de leur choix à l'audience, à l'exception des uniformes de l'armée américaine et des tenues de prisonniers et de gardiens. Une polémique avait surgi en juin à Guantanamo quand le directeur de la prison leur avait interdit de porter un treillis paramilitaire, la célèbre combinaison orange de prisonnier ou une veste afghane traditionnelle craignant que ces vêtements ne deviennent un outil de propagande.

« Immense parapluie »

Au deuxième jour des débats, une dizaine de proches des victimes des attentats du 11-Septembre assistaient aux échanges derrière une paroi vitrée, où les mots leur parviennent avec 40 secondes de différé. Ce délai permet à un censeur de bloquer toutes les déclarations jugées sensibles.

La défense, soutenue par 14 médias et l'organisation américaine de défense des libertés (ACLU), proteste contre cette méthode de censure.

« Quel rôle joue la présomption de classification » - un système selon lequel toutes les déclarations des accusés sont considérées comme « top secret » - ?, a encore demandé Me Connell, avocat de M. Baluchi, qui réclame de mettre fin à ce système.

Kevin Bogucki, avocat de M. al-Chaïba, a parlé de « l'immense parapluie » qui vise à empêcher « tous les souvenirs et le passé » des accusés d'être rendus publics. Il a évoqué une note rédigée par son client lors d'une visite à la prison qui a mis deux mois complets pour lui revenir estampillée par la censure.

« Je ne peux même pas dire aux enfants de mon client : votre père veut que vous obéissiez à votre mère », a-t-il protesté.

En jeu, les mauvais traitements assimilés à de la torture que les accusés ont endurés lors de leur détention dans des prisons secrètes avant leur transfert à Guantanamo en 2006.

« Comme les accusés ont été détenus et interrogés selon le programme de la CIA, ils ont été exposés à des sources, des méthodes et des activités classifiées (...) et sont en position de révéler cette information publiquement », argue le gouvernement américain, dans son recours qui réclame « une ordonnance conservatoire » pour maintenir le caractère secret des déclarations des accusés.

Onze des 25 recours qui doivent être examinés au cours des cinq jours d'audience seront consacrés peu ou prou à la censure.

Le juge devra déterminer s'il entoure les déclarations du voile du secret au nom de la sécurité nationale, comme plaide le gouvernement, ou s'il assure la publicité et la transparence des débats, comme le réclame la défense.