«Je me suis effondré dans une flaque de mon propre sang et j'ai cru que c'était la fin.»

Pierce O'Farril tremble de tout son corps en racontant comment il a survécu à l'une des pires tueries de l'histoire des États-Unis. «C'est plus fort que moi. Je n'arrive pas à me contrôler. Dès que j'en reparle, je tremble», dit l'homme de 27 ans.

Étendu dans un lit du département d'orthopédie de l'hôpital universitaire de Denver, le bras immobilisé dans une attelle, il a accepté, hier, de nous rencontrer brièvement. Le blessé, qui a reçu deux balles, une dans le pied, l'autre dans le bras, est bien entouré. Son portable ne cesse de sonner, sa chambre est décorée de ballons et de fleurs et une dizaine d'amis et de membres de sa famille veillent à son chevet.

Toutes ces démonstrations d'amour ne suffisent pas à chasser les terribles images qui hantent ses pensées. Dans la nuit de jeudi à hier, il a vu la mort. Il l'a frôlée, touchée, sentie.

Pierce était assis dans la 13e rangée de la salle de cinéma, au bord de l'allée, lorsque le tueur est entré, lourdement armé, par la porte de secours. «Dès que j'ai vu la bombe fumigène, j'ai compris ce qui se passait», se souvient-il. Quelques secondes plus tard, sa crainte se concrétisait. À l'avant de la salle, tout juste devant l'écran, James Holmes a calmement déposé un grand sac au sol et en a sorti une longue arme.

«Il a commencé à tirer sur les gens qui étaient assis en bas. J'ai pris mon ami par le bras et je l'ai poussé par terre, relate péniblement la victime. On entendait des tonnes de coups de feu et des gens crier. Nous avons protégé notre tête et nous avons prié.» Le meurtrier a lentement remonté les allées, jusqu'à celle de Pierce O'Farril. «Mon ami a hurlé: «Je suis touché.» Puis, j'ai senti que mon pied avait explosé, et ensuite mon bras. J'avais si mal que je croyais avoir été atteint au dos.»

Étendus dans leur sang, les deux jeunes hommes ont attendu ce qui leur a semblé être une éternité dans un état de choc total. «Quand nous n'avons plus entendu de bruit, j'ai levé la tête et j'ai cru qu'il était parti.» Son ami, moins touché que lui, l'a aidé à se relever. «Il me disait: «Vite, il faut sortir!» J'avais trop mal pour avancer. J'ai fait quelques pas, puis je me suis effondré. Il a essayé de me traîner, mais je ne réagissais plus.» Le croyant mort, l'ami s'est sauvé. Et le cauchemar a recommencé.

«Le tueur a réapparu avec d'autres armes, se souvient l'homme. Il est venu tout près de moi. Je voyais sa botte d'armée à quelques centimètres de mon visage. Je me suis dit que j'allais mourir, mais Dieu a écouté mes appels. Je suis chanceux d'être ici pour en parler.»

Pierce O'Farril a été transporté d'urgence à l'hôpital universitaire de Denver avec 23 des 58 autres blessés. Une douzaine y sont toujours, dont cinq aux soins intensifs. Son ami, comme lui, s'en est assez bien tiré: une balle dans la cuisse. Pierce, lui, a dû être opéré au bras. La balle a fracturé son humérus. Son pied est dans un meilleur état que ce que la douleur lui a d'abord laissé croire. Il remarchera.

Malgré la peur, la douleur et la peine, il ne souhaite pas malheur à celui qui a voulu le tuer. «J'espère que Dieu trouvera son chemin dans l'âme de cet homme noir et mauvais», souffle-t-il.