Pour la grande majorité des Américains, Fast and Furious n'est encore rien d'autre que le titre d'une série de films mettant en vedette Vin Diesel. Mais cela pourrait changer rapidement et furieusement après la décision de Barack Obama d'invoquer «le privilège de l'exécutif» dans le cadre d'une enquête du Congrès sur une opération portant le même nom que la saga hollywoodienne.

La décision du président, annoncée hier matin, avait pour but de justifier le refus du ministre de la Justice, Eric Holder, de remettre des documents au Congrès sur l'opération Fast and Furious, lancée en 2009 par l'Agence fédérale sur l'alcool, le tabac et les armes (ATF).

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L'opération consistait à faire passer des armes en contrebande au Mexique avec l'objectif de les suivre à la trace afin de piéger à terme des membres de cartels mexicains. Or, l'ATF a perdu la trace de quelque 2000 armes, dont l'une a servi à tuer un garde-frontière américain. Ce scandale a éclaté en février 2011.

La manoeuvre du président a précédé de quelques heures le vote de défiance d'une commission de la Chambre des représentants à l'égard d'Eric Holder pour «outrage au Congrès». Selon Darrell Issa, président républicain de la commission sur la Surveillance du gouvernement, le ministre de la Justice n'a pas coopéré de façon satisfaisante.

Poursuite au criminel

Si l'ensemble de la Chambre emboîte le pas de la commission, le ministre de la Justice pourrait être poursuivi au criminel par le procureur fédéral du district de Columbia.

Eric Holder a nié avoir eu connaissance des détails de l'opération « Fast and Furious » avant février 2011. Darrell Issa et ses alliés républicains ont mis en cause sa sincérité et réclamé certains documents que le ministre de la Justice affirme ne pas avoir le droit de rendre publics.

Le recours du président au privilège de l'exécutif pour protéger la confidentialité de ces documents a poussé certains républicains à parler de «camouflage».

Cette décision «laisse supposer que les responsables de la Maison-Blanche étaient, soit impliqués dans l'opération Fast and Furious, soit dans le camouflage qui a suivi», a déclaré Michael Steel, porte-parole du président de la Chambre, John Boehner.

Les défenseurs du président et du ministre de la Justice ont de leur côté accusé les républicains de mener une chasse aux sorcières. Un porte-parole de la Maison-Blanche a rappelé qu'Eric Holder avait déjà remis au Congrès 7600 documents dans le cadre de l'enquête sur l'opération. Il ajouté que le ministre avait lui-même mis un terme à ce programme, dont l'origine remonte à l'administration précédente.

«Compte tenu des défis économiques auxquels fait face notre pays, nous croyons que les républicains de la Chambre devraient travailler avec le reste du Congrès et le président pour créer des emplois et non pas plus de théâtre politique», a déclaré Dan Pfeiffer.

Plusieurs présidents sur la sellette - de Richard Nixon à George W. Bush en passant par Bill Clinton - ont invoqué le privilège de l'exécutif pour protéger la confidentialité de documents. Barack Obama l'a fait pour la première fois de sa présidence.