Dans une déclaration historique en matière de droits civiques et périlleuse sur le plan politique, Barack Obama est devenu hier après-midi le premier président américain en exercice à se prononcer en faveur du mariage homosexuel.

«À titre personnel, il est important de dire que je pense que les couples du même sexe doivent pouvoir se marier», a-t-il dit lors d'une interview accordée à la chaîne ABC, tout en précisant qu'il revenait aux États de trancher cette question controversée.

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Cette déclaration met fin à l'attitude ambiguë du président sur le mariage homosexuel, un sujet à propos duquel sa position était officiellement «en train d'évoluer». Elle survient trois jours après que le vice-président Joe Biden eut avoué sur NBC être «tout à fait à l'aise» avec le mariage gai, une prise de position qui était soit un ballon d'essai, soit une gaffe qui a forcé la main de son patron.

La sortie de Barack Obama réjouira certes ses partisans progressistes, et notamment les membres de la communauté gaie, dont le soutien financier à sa campagne présidentielle dépasse largement leur poids électoral. Elle lui aura également valu les éloges du maire de New York, un politicien indépendant dont il convoite l'appui.

«C'est un tournant majeur dans l'histoire des droits civiques américains», a déclaré Michael Bloomberg.

Critiques républicaines

Mais la déclaration du président l'exposera également aux critiques des républicains, y compris son adversaire probable à l'élection présidentielle de novembre, qui a tenu à préciser hier que sa position sur la question du mariage gai n'avait pas changé.

«J'ai la même opinion sur le mariage que j'avais quand j'étais gouverneur. Je crois que le mariage est entre un homme et une femme», a déclaré Mitt Romney, qui est souvent traité de girouette.

La sortie du président risque en outre de déplaire à certains électeurs afro-américains et latinos, qui sont plus conservateurs ou intolérants que la moyenne des Américains sur la question du mariage gai.

Selon un sondage Gallup publié mardi, 50% des Américains approuvent le mariage homosexuel et 48% s'y opposent. Des sondages réalisés pour le Washington Post de mars 2011 à mars 2012 indiquent que 42% des Noirs sont pour et 55% sont contre.

La nouvelle position du président pourrait ainsi lui faire perdre des votes précieux dans un État comme la Caroline-du-Nord, dont les électeurs ont largement approuvé mardi un amendement à la constitution de leur État interdisant le mariage gai.

Mais l'image de Barack Obama aurait sans doute souffert s'il avait maintenu son ambiguïté sur la question du mariage homosexuel, lui qui s'était prononcé en faveur des partenariats civils en 2008.

Dans son interview à ABC, le président a expliqué qu'il avait changé sa position après avoir longuement réfléchi à la question, parlé «à des amis, des membres de [sa] famille, des voisins» et vu «des membres de [son] équipe qui sont dans des relations homosexuelles monogames très étroites et élèvent des enfants ensemble».

Il a également mentionné les militaires homosexuels qui «ne peuvent s'engager dans un mariage» et ses propres filles, Malia et Sasha, qui «ont des amis dont les parents sont du même sexe». Pour elles, a-t-il précisé, cela n'a pas de sens de traiter les homosexuels de façon différente.

«Franchement, cela change la perspective» sur cette question, a ajouté le président américain.