Les cinq accusés des attentats du 11-Septembre sont apparus en public samedi devant un tribunal militaire de Guantanamo, défiant la justice américaine par leurs prières, leur mutisme ou autres provocations.

Tout vêtus de blanc, pour certain coiffés d'un turban de la même couleur, les cinq hommes ont gardé le silence toute la matinée, assis dans la salle d'audience à une certaine distance les uns des autres. Seul le Yéménite Ramzi ben al-Chaïba a rompu le mutisme de ses co-inculpés pour protester contre le traitement que l'armée américaine réserve à ces détenus de «haute valeur».

Ils encourent la peine de mort pour le meurtre de chacune des 2.976 victimes.

«L'accusation est prête dans l'affaire États-Unis contre Khaled Cheikh Mohammed», a déclaré le procureur en chef, le général Mark Martins.

«L'accusé refuse de répondre», a répété inlassablement le juge militaire James Pohl, pour chacun des cinq accusés qui refusaient, tour à tour, de répondre à ses questions sur leur représentation.

Les suspects, qui devaient être formellement accusés dans la journée «de la préparation et de l'exécution des attentats du 11 septembre 2001 à New York, Washington et Shanksville (Pennsylvanie)», ont marqué leur désintérêt, dans une tentative évidente de retarder l'échéance, tandis que leur défense s'attardait sur la question de la traduction des échanges, la manière de prononcer les noms des détenus ou encore le grade militaire des avocats.

Assis depuis 09H30 (13H30 GMT) dans la salle de tribunal spécialement conçue à leur intention, les cinq hommes ont passé leur temps le regard rivé sur leurs genoux. Certains lisaient un livre qui semblait être le Coran ou se passaient le périodique «The Economist». Deux d'entre eux se sont levés et se sont agenouillés pour prier, ce qui a provoqué une interruption des débats.

«L'ère de Kadhafi est finie, mais on a Kadhafi ici», a subitement crié le Yéménite Al-Chaïba, dans une évocation évidente des traitements subis pendant leur détention dans une prison secrète de la CIA et depuis leur transfert à Guantanamo. «Vous allez nous tuer et dire ensuite qu'on s'est suicidés», a-t-il encore lancé.

Très calme, le Pakistanais Khaled Cheikh Mohammed, cerveau autoproclamé des attentats, mieux connu sous les initiales anglaises KSM, portait une longue barbe teintée au henné. Il a été vu la dernière fois devant un tribunal militaire le 21 janvier 2009, après l'investiture de Barack Obama, qui avait suspendu la justice militaire d'exception très critiquée.

Son avocat David Nevin a annoncé que KSM était «extrêmement préoccupé par l'équité de cette procédure». Le juge James Pohl a voulu s'assurer que c'était «par choix» qu'il ne répondait pas.

L'échange, qui a suivi, a été censuré pendant plusieurs minutes par l'autorité militaire.

Dix journalistes et le même nombre de proches des victimes, séparés par un rideau et sans possibilité de communiquer avec l'extérieur, ont assisté à l'audience derrière une paroi vitrée où les débats sont retransmis avec un différé de 40 secondes permettant la censure des déclarations sensibles. Cinquante autres membres des médias, un record, ont fait le déplacement à Guantanamo et regardaient les débats sur un écran avec le même différé.

Les accusés ont refusé de porter le casque de traduction, leurs avocats prétendant que cela leur rappelait leurs tortures.

Michael Schwartz, l'avocat du Saoudien Wallid Ben Attach a obtenu que son client, le seul qui était menotté en début d'audience, soit détaché en raison de la «douleur» provoquée par les menottes.

L'avocate civile de Ben Attach, Cheryl Borman, la seule femme de l'équipe de défense, s'est approchée, toute de noire vêtue et portant le hijab, pour dénoncer «ce qui s'est passé ce matin et pendant les huit dernières années». «Ces hommes ont été maltraités», a-t-elle fustigé.

Un expert du Pentagone a indiqué que les formalités précédant la lecture de l'accusation ont pris trois fois plus de temps que d'habitude.