L'évêque Mgr William Lynn a protégé les noirs «secrets» de prêtres ayant abusé de jeunes enfants, a lancé lundi l'accusation à l'ouverture du premier procès aux États-Unis d'un responsable catholique accusé d'avoir couvert des prêtres pédophiles.

Mgr Lynn, ancien responsable du personnel du diocèse de Philadelphie, est accusé d'avoir dissimulé des cas d'abus sexuels et de n'avoir rien fait pour éloigner au moins deux prêtres de postes les mettant en contact avec des mineurs. Arrivé lundi dans un tribunal de Philadelphie sous le feu des médias, il encourt 14 ans de prison.

Les deux prêtres poursuivis pour crimes sexuels sur mineurs devraient également comparaître à ce procès phare, mais seul l'un d'eux, James Brennan, est jugé à partir de lundi.

A l'ouverture de la séance, la procureur adjointe Jacqueline Coelho a décrit Mgr Lynn comme «le gardien des secrets», investi de la mission de protéger l'Église des scandales et de maintenir les fidèles dans l'obscurité.

«La protection des enfants était la dernière chose dans la tête de l'accusé», a souligné Mme Coelho.

Mais peu après, Thomas Bergstrom, l'avocat de Mgr Lynn, a souligné que son client avait été impuissant à faire cesser ces abus car il avait un rang trop bas au sein de la hiérarchie.

«Les abus sexuels envers des enfants sont des choses terribles», a insisté Me Bergstrom, reprenant: «Mgr Lynn le sait. Lui, et peut-être lui seul, a essayé de faire cesser cela».

La tâche des avocats de la défense a été rendue plus compliquée lorsque l'un des deux prêtres accusés d'actes pédophiles, Edward Avery, a créé la surprise jeudi en reconnaissant avoir sexuellement agressé un enfant de choeur de 10 ans en 1999. Le prêtre a été immédiatement condamné à une peine comprise entre deux ans et demi et cinq ans de prison.

Lundi, les avocats de Mgr Lynn ont demandé le report du procès mais la juge Teresa Sarmina a rejeté leurs arguments.

En exposant l'affaire aux jurés, Jacqueline Coelho est revenue sur les détails concernant près de 11 prêtres catholiques, dont Edward Avery et James Brennan, qui avaient déjà été par le passé accusés d'agressions sexuelles.

Certaines de ces allégations remontent à la fin des années 1940, c'est-à-dire trop longtemps en arrière pour être jugées aujourd'hui. Mais Mme Coelho a martelé que malgré ces accusations, ces prêtres avaient continué à être affectés par Mgr Lynn à des postes en contact avec des mineurs.

La procureur adjointe a également dénoncé une culture de l'Église au sein de laquelle «on met en doute les déclarations des victimes et on croit celles des prêtres».

Cette affaire, qui suscite une énorme attention médiatique aux États-Unis, risque d'ébranler un peu plus une Eglise catholique déjà en mal d'argent et de crédibilité.

«Si l'on commence à s'intéresser de près au milieu des responsables ecclésiastiques dont sont issus les évêques, (...) certaines personnes qui ont été nommées évêques vont se faire prendre,» a déclaré à l'AFP Terry McKiernan, du site bishop-accountability.org qui traque les signalements d'abus sexuels.

«L'Eglise aux États-Unis ne souhaite pas que l'on commence à remuer tout cela», insiste-t-il.

Le procès doit durer 3 à 4 mois.