«Je n'ai jamais été aussi fier de faire partie de cette unité que ce jour-là», a confié le sergent Robert Bales au journal de la base militaire de Lewis-McChord, en 2009.

La journée de janvier 2007 dont parlait le sous-officier faisait suite à une bataille à sens unique au cours de laquelle 263 «insurgés» irakiens avaient été tués dans la région de Najaf, selon un bilan officiel.

Quelques heures après les derniers échanges de tirs, les combattants américains s'étaient portés au secours des civils du village assiégé, selon le récit du sergent Bales.

«Je pense que c'est la différence entre être un Américain et être un des mauvais gars», avait confié au Northwest Guardian le soldat d'infanterie, aujourd'hui accusé d'avoir tué 16 civils dans la province de Kandahar, en Afghanistan.

Une semaine après ce massacre, l'entrevue de Robert Bales au Northwest Guardian fait partie des informations qui émergent au sujet du militaire de 38 ans, marié et père de deux jeunes enfants. Elle a été citée dans plusieurs médias, dont le Seattle Times, pour démontrer que le sergent a déjà été un homme de devoir et de coeur.

«Il était un excellent soldat, digne de confiance, honnête et mature», a déclaré un de ses anciens commandants, Al Bjerke, au Times, un quotidien de l'État de Washington, où se trouve la base de Lewis-McChord.

«Je ne sais pas ce qui est arrivé (dimanche dernier). Tout ce que je peux dire, c'est que ce n'est pas aussi simple que ce qu'on laisse entendre», a-t-il ajouté.

On pourrait dire la même chose de la bataille de Najaf, qui a valu au sergent Bales une de ses décorations. Le 31 janvier 2007, le quotidien britannique The Independent a utilisé le mot «massacre» pour décrire ce qui s'était passé près de la ville irakienne quelques jours plus tôt. Un correspondant du service de nouvelles américain McClatchy a de son côté compté au moins 3 enfants et 6 femmes parmi les dépouilles des victimes qui n'avaient pas encore été ramassées.

«J'ai vu quelque chose que je n'aurais jamais imaginé voir dans ma vie», a-t-il déclaré en décrivant les corps des victimes.

Il se peut effectivement que le sergent Bales ait ressenti une grande fierté en venant à l'aide des survivants de la bataille de Najaf. Mais il est aussi possible qu'il ait choisi d'embellir une réalité insoutenable.

Troubles post-traumatiques

Une semaine après le massacre de Kandahar, les médias dépècent ainsi la vie de Robert Bales afin d'expliquer ce qui aurait pu le pousser à sortir de sa base et à massacrer des civils. Un responsable gouvernemental américain a mis cet acte sur le compte d'une «combinaison de stress, d'alcool et de problèmes familiaux». Et d'ajouter: «Il a pété les plombs.»

L'avocat du sergent Bales, John Henry Brown, s'est empressé de contester cette version, affirmant notamment que le mariage de son client «se portait très bien».

Il n'en est certainement pas de même de ses finances. Trois jours avant la fusillade de Kandahar, Karilyn Bates, la femme du soldat, a mis en vente la maison familiale de Lake Tapps, dans l'État de Washington, ne parvenant plus à faire les paiements.

Karilyn Bates tenait un blogue dans lequel elle a exprimé sa déception après que son mari s'est vu refuser une promotion. Elle espérait néanmoins être transférée avec lui en Allemagne, en Italie ou à Hawaii. L'armée a plutôt décidé de déployer l'unité de son mari en Afghanistan en décembre dernier.

Le sergent Bales avait déjà effectué trois missions en Irak, où il avait été soigné en 2009 pour une lésion traumatique cérébrale légère après que son véhicule blindé se fut retourné. Il s'était enrôlé dans la semaine qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001.

«Il estimait que c'était son devoir de défendre les États-Unis», a déclaré John Henry Brown, connu à Seattle pour avoir notamment défendu le tueur en série Ted Bundy.

L'avocat a laissé entendre qu'il pourrait invoquer de possibles troubles post-traumatiques dans la défense de son client.

Le procès du sergent Robert Bales pourrait ainsi lever le voile sur les séquelles psychologiques des horreurs qu'il a vues en Afghanistan et en Irak, y compris dans les heures qui ont suivi la bataille de Najaf.