Le village de Whiteclay, au Nebraska, compte 14 habitants. Pourtant, quatre magasins de bière y prospèrent. En moyenne, ils vendent près de 5 millions de canettes de bière par an.

Leur secret? Whiteclay est situé à l'entrée de la réserve autochtone Pine Ridge, au Dakota-du-Sud, une réserve qui interdit la vente et la consommation d'alcool sur son territoire depuis 1832.

Ce mois-ci, la tribu sioux Oglala, de Pine Ridge, a intenté une poursuite de 500 millions de dollars contre cinq grands brasseurs, qu'elle accuse de vendre de la bière à Whiteclay en sachant qu'elle est clandestinement transportée et consommée sur la réserve autochtone.

Tom White, l'avocat qui représente la tribu autochtone, estime que les brasseurs jouent à l'autruche en fournissant des milliers de canettes de bière chaque jour aux commerces de la ville isolée.

«Vous ne pouvez pas vendre 4,9 millions de canettes de 12 oz de bière et vous laver les mains comme Ponce Pilate, et dire: Nous n'avons rien à voir avec le trafic d'alcool dans la réserve», a-t-il dit à l'Associated Press.

L'alcoolisme et le trafic d'alcool dans la réserve de Pine Ridge ont fait l'objet de plusieurs articles et études au fil des ans. Le cinéaste Mark Vasina y a même tourné un documentaire, intitulé The Battle for Whiteclay.

Selon une récente étude, un enfant sur quatre dans la réserve souffre du syndrome d'alcoolisation foetale. L'espérance de vie dans la réserve, qui va de 45 à 52 ans, est la plus basse aux États-Unis.

Les brasseurs poursuivis sont Anheuser-Busch, InBev, Molson Coors, MillerCoors et Pabst. Les autochtones, qui ont déposé leur poursuite au Nebraska, disent vouloir utiliser les 500 millions pour payer des soins de santé et des programmes de réhabilitation dans la réserve. Les entreprises visées n'ont pas réagi à la poursuite.

Dans une conférence donnée à la rencontre TED (Technology, Entertainment, Design), en Californie, le photographe Aaron Huey, qui a documenté le phénomène de l'alcoolisme dans la réserve de Pine Ridge, a dit que les bières les plus populaires sont la Hurricane et l'Evil Eye, des bières bon marché à forte concentration en alcool, qui sont souvent vendues dans les communautés à faibles revenus.

«Les gens qui vendent l'alcool là-bas font des fortunes avec la dépression économique et psychologique de la réserve», a-t-il dit.

Les autochtones américains sont beaucoup plus touchés par l'alcoolisme que la population générale: une étude des Centers for Disease Control and Prevention, organisme fédéral, montre que 12% des morts chez les autochtones sont causées par l'alcool - une proportion trois fois plus élevée que la moyenne nationale.