Plusieurs centaines de manifestants ont formé une chaîne humaine mercredi à Washington, de la Maison-Blanche à la Cour suprême, pour protester contre les dix années d'existence de la prison de Guantanamo, malgré les promesses de fermeture de Barack Obama.

«Dix ans de trop! Dix ans ça suffit!», ont scandé pendant deux heures et demi les manifestants parmi lesquels 200 personnes étaient vêtues des célèbres combinaisons oranges et encagoulés de sacs noirs, symboles du centre de détention américain situé sur l'île de Cuba.

«Nous sommes ici avec notre colère, notre énergie et même avec notre espoir pour demander à Obama et à la Cour suprême de fermer Guantanamo», a dit Frida Berrigan de l'association Témoins contre la torture, un des organisateurs de la manifestation.

Devant la Maison Blanche, les faux détenus se sont rangés en formation sur quatre rangs, avant de partir les uns à la file des autres et en silence vers la Cour suprême, à la manière d'un convoi de prisonniers.

Certains manifestants en treillis mimaient des violences faites aux détenus, d'autres portaient sur leur dos des photos ou les noms de détenus morts à Guantanamo.

Un ancien soldat, un avocat de détenu parmi d'autres protestataires ont conclu la manifestation devant la Cour suprême, appelant à signer une pétition pour fermer Guantanamo sur closeguantanamo.org.

D'autres rassemblements se sont tenus en Europe et au Canada.

«Il y a eu plus de morts à Guantanamo que de détenus jugés», a souligné Vincent Warren, directeur du Centre pour les droits constitutionnels (CSIS), un autre organisateur. Huit détenus ont péri et six ont été traduits en justice.

«Aujourd'hui est un triste jour», a déclaré John Hutson, ancien juge militaire qui s'était «tenu fièrement derrière le président» Obama quand il a signé le décret de fermeture de la prison en 2009.

«Trois ans après, au 10e anniversaire de son ouverture, Guantanamo reste une tache dans nos efforts pour mettre fin au terrorisme et pour promouvoir le droit», a ajouté ce contre-amiral de la Marine à la retraite, lors d'une conférence de presse.

Le 11 janvier 2002, une vingtaine de détenus arrivés d'Afghanistan étaient emprisonnés dans les cages à ciel ouvert sur la base navale américaine que Washington loue à Cuba en vertu d'un traité américano-cubain de 1903.

Aujourd'hui, 171 hommes croupissent encore dans ses geôles sur les 779 qui y ont été détenus, la plupart sans inculpation ni jugement. 89 d'entre eux ont été jugés «libérables» par les autorités militaires mais leur retour dans leur pays est empêché par une loi votée au Congrès.

Amnesty International, qui appelait également à manifester, a publié un rapport sur «une décennie de dommages aux droits de l'homme», dans lequel il pointe que la prison «n'est pas seulement le symbole d'abus et de mauvais traitements» mais aussi «d'une atteinte aux principes internationaux des droits de l'homme» qui se poursuit aujourd'hui.

«Dans ses premiers jours, Guantanamo était une anomalie» mais dix ans après «ce qui était une exception est devenue une norme», a renchéri Baher Azmy, qui a défendu un ancien détenu de Guantanamo. «Aujourd'hui, beaucoup comme lui sont encore bloqués là-bas à cause du jeu politique du Congrès et de l'extrême timidité de l'administration Obama», a-t-il fustigé.

La Maison-Blanche a affirmé lundi qu'il était toujours dans son objectif de fermer à terme la prison, malgré les «obstacles».

A Ottawa, une douzaine de manifestants ont bravé le froid polaire pour réclamer devant l'ambassade des Etats-Unis «la fin des détentions illégales» et le retour du détenu canadien de Guantanamo Omar Khadr.

A Stockholm, l'image d'un détenu était projetée contre un mur et chaque signataire pouvait symboliquement effacer les barreaux de la cellule.

A Paris, la réplique de la statue de la Liberté a été brièvement drapée d'une bâche orange mardi.