Le message de l'Université de Niagara à Pam Soeth était clair et sans appel: revenez sur le campus quand vous vous porterez mieux. À l'époque, l'étudiante en criminologie, alors âgée de 21 ans, faisait une crise d'épilepsie par mois. Elle n'est jamais retournée en classe.

Peu après, la compagnie d'assurance maladie de sa mère lui a adressé un message aussi cinglant: nous ne sommes plus tenus de vous assurer depuis que vous avez quitté l'école; trouvez-vous un emploi si vous voulez une couverture médicale.

Mais comment travailler lorsque des crises d'épilepsie nous font perdre connaissance pendant des périodes pouvant durer trois jours?

De septembre 2007 à septembre 2010, les parents de Pam Soeth ont dû mener une bataille constante contre leur compagnie d'assurance maladie afin d'obtenir que leur fille soit couverte à titre de «handicapée dépendante». Règle générale, la compagnie finissait par accepter d'assurer Pam pour des périodes de trois mois à un an, mais seulement après des refus initiaux qui obligeaient les Soeth à interjeter appel.

«C'était très stressant, surtout lorsque Pam était en proie à une crise sévère», s'est souvenue Joan Soeth, mère de la jeune femme, au cours d'un entretien dans sa maison spacieuse, nichée au coeur des collines boisées de Pittsford, village situé près de Rochester, dans le nord de l'État de New York.

«C'était comme se débattre pour éviter la noyade», a enchaîné Pam, dont l'apparence et le comportement ne laissent pas deviner la maladie chronique dont elle souffre. «Et chaque fois que nous parvenions à sortir la tête de l'eau, quelqu'un nous poussait au fond de nouveau.»

Ce combat cauchemardesque a pris fin en septembre 2010 pour les Soeth. Comme plusieurs autres familles américaines, ils profitent depuis cette date d'une des retombées les plus rapides de la réforme du système de santé promulguée par Barack Obama en mars 2010. Une retombée qui permet à près d'un million de jeunes adultes de jouir de l'assurance maladie de leurs parents jusqu'à l'âge de 26 ans.

«Cette réforme nous a vraiment aidés, a dit Joan Soeth. Pour la première fois depuis des années, nous avons l'esprit tranquille.»

«Un cadeau du ciel»

Adele et Raymond Owens, New-Yorkais transplantés en Floride, ont bénéficié d'un autre changement important entraîné par la réforme du président Obama: l'interdiction faite aux assureurs de refuser de couvrir un malade au prétexte de conditions «préexistantes».

Durant les 24 années de leur mariage, les Owens ont toujours joui d'une couverture médicale, à l'exception d'une période de huit mois qui a suivi la décision d'Adele d'abandonner son emploi chez Home Depot et l'assurance maladie s'y rattachant. Raymond, travailleur autonome alors âgé de 48 ans, a préféré attendre que sa femme se trouve un nouvel emploi (et une nouvelle assurance maladie) plutôt que de débourser 1300$ par mois pour se payer une police.

Il n'était donc pas assuré quand il a découvert, l'hiver dernier, un «petit kyste» dans son dos. Il a d'abord choisi d'ignorer le nodule, jusqu'à ce que celui-ci devienne plus gros qu'un pamplemousse. Il a dû débourser de sa poche les 21 000$ qu'ont coûtés divers examens et une première intervention chirurgicale réalisée par un médecin de Floride.

Une biopsie a révélé qu'il était atteint du carcinome à cellules de Merkel, cancer de la peau rare et dangereux. Une nouvelle intervention chirurgicale était nécessaire. À New York, où les Owens ont toujours un appartement, un hôpital prestigieux était prêt à opérer Raymond moyennant la somme de 56 000$.

«Nous étions alors en plein mode panique», a raconté Adele Owens, 47 ans, au cours d'un entretien téléphonique. «Nous n'avions pas ces 56 000$.»

Après des recherches fiévreuses, Adele a été informée de l'existence d'un programme de l'État de New York découlant de la réforme du système de santé et permettant aux personnes souffrant de conditions préexistantes de souscrire à une assurance maladie pour 390$ par mois. Avec l'aide d'un organisme new-yorkais, elle a réussi à remplir en quatre jours les formalités d'admission, permettant à son mari de se faire opérer en avril.

«Je n'ai pas voté pour Obama, mais je peux dire que sa réforme a été pour nous un cadeau du ciel, a dit Adele Owens. On ne devrait pas perdre nos économies, notre maison, pour obtenir des soins de santé.»

2014: l'année cruciale

«Fantastique!» C'est le mot qu'emploie Elisabeth Benjamin pour qualifier l'impact de la réforme du système de santé américain depuis son entrée en vigueur. La vice-présidente de Health Initiatives, un organisme new-yorkais qui milite en faveur d'une couverture médicale universelle, ne fait pas seulement référence aux changements dont ont pu profiter de nombreuses familles américaines comme les Soeth et les Owens.

Elle parle également des services de prévention tels que les mammographies et les colonoscopies, qui sont désormais gratuits, et des règles qui obligent les compagnies d'assurance maladie à une plus grande transparence concernant leurs opérations.

«Cela représente un excellent premier pas», dit-elle.

Et pourtant, la réforme du système de santé n'a jamais été aussi impopulaire aux États-Unis. Seulement 34% des Américains en ont une opinion favorable, selon un sondage publié la semaine dernière par la Fondation de la famille Kaiser.

Divers facteurs peuvent expliquer cette impopularité, selon la Fondation, qui relève notamment les critiques soutenues des prétendants républicains à la présidence contre la réforme. Ceux-ci promettent tous de l'abroger, dénonçant en particulier l'obligation qui sera faite à presque tous les Américains, à partir de 2014, de souscrire à une assurance maladie. Cette obligation coïncidera avec une autre partie clé de la réforme, à savoir la mise en place d'un «Insurance Exchange», un système proposant des plans de couverture médicale qui seront subventionnés par le gouvernement fédéral.

D'ici là, cependant, l'avenir de la réforme du système de santé pourrait se jouer devant la Cour suprême des États-Unis.

En attendant, Elisabeth Benjamin refuse d'accorder quelque mérite aux résultats du sondage de la Fondation de la famille Kaiser.

«La réforme est encore trop vague pour les gens, dit-elle. Mais quand on leur demande s'ils sont d'accord pour que les enfants puissent jouir de la couverture médicale de leurs parents jusqu'à 26 ans, la réponse est presque unanimement positive. La réponse est la même pour les autres aspects de la réforme qui sont déjà en place. Cela dit, si les gens continuent à ne pas aimer la réforme en 2015 ou 2016, nous avons un problème.»