Avec sa chevelure grisonnante et ses vêtements sages, Anne Tischer ne ressemble en rien aux militants jeunes et vaguement anarchistes qui ont commencé, il y a près de trois semaines, à camper dans un parc du quartier financier de New York et à protester contre les excès de Wall Street et les compromissions de Washington, entre autres maux décriés.

Mais la travailleuse sociale à la retraite a tenu à se joindre à la manifestation organisée hier après-midi par le mouvement Occupons Wall Street, et à laquelle ont participé, sous un grand soleil, environ 5000 personnes, dont plusieurs membres de syndicats new-yorkais.

«L'argent des grandes entreprises est en train de détruire notre démocratie, a déploré la sexagénaire, qui avait parcouru une grande distance -elle vit à Rochester, dans le nord de l'État de New York- pour protester dans les rues de Manhattan. «L'argent des grandes entreprises achète les élections, influence le processus législatif et détruit la notion même de bien commun. Il n'y a plus que le profit qui compte.»

Anne Tischer n'était pas la seule manifestante dont le profil ne correspondait pas à celui des militants originaux du mouvement Occupons Wall Street, qui s'inspire à la fois du printemps arabe et des «indignés» européens. Comme elle, James Morgan n'a rien d'un radical. Ce New-Yorkais de 45 ans est producteur de films et de pubs. Mais la situation de son pays lui inspire une «frustration totale» qu'il a voulu exprimer hier aux côtés des «indignés» de Wall Street.

Le Tea Party de la gauche?

«Notre gouvernement a abandonné la classe moyenne», a-t-il déclaré parmi la foule réunie à Foley Square, point de départ de la manifestation. «Nous payons plus d'impôts, mais nous perdons nos services, nos emplois, nos avantages sociaux. Pendant ce temps, les 1% les plus riches accaparent 90% des richesses.»

La manifestation d'hier à New York était la plus importante depuis la naissance d'«Occupons Wall Street», mouvement qui prend de l'ampleur et s'étend désormais à plusieurs villes des États-Unis, dont Los Angeles, Chicago, Washington et Boston, entre autres. Elle a pris fin dans un certain chaos, les policiers procédant à des arrestations et recourant au gaz poivre pour disperser des manifestants.

Le mouvement n'a pas de dirigeants attitrés ni de demandes claires, ce qui lui vaut d'être critiqué par certains observateurs. Mais la colère qu'il exprime contre Wall Street, Washington et la grande entreprise pourrait être le carburant d'un mouvement qui serait en quelque sorte le Tea Party de la gauche.

C'est d'ailleurs le voeu qu'exprime un des militants du mouvement Occupons Wall Street dans un documentaire diffusé sur YouTube.

«Si vous êtes comme moi et que vous voyez le Tea Party à la télévision et aux informations tout le temps, vous vous demandez pourquoi il n'y a pas une réponse de gauche au Tea Party. Eh bien, vous devriez être ici», dit-il en faisant référence au parc Zuccotti, siège des «indignés» de Wall Street.

Photo: Stan Honda, AFP

Le documentariste Michael Moore et l'acteur Tim Robbins, deux icônes de la gauche américaine, ont pris part à la manifestation du mouvement «Occupons Wall Street», hier à New York.