La Chambre des représentants a refusé vendredi d'autoriser les frappes des États-Unis en Libye, au moment où des informations indiquent que Mouammar Kadhafi «ne se sent plus en sécurité» dans la capitale.

La Maison-Blanche a aussitôt déploré le «message confus» envoyé par la Chambre qui, dominée par l'opposition républicaine, a rejeté à 295 voix contre 123 un texte devant entériner l'engagement américain dans l'opération lancée le 19 mars dernier. Ce vote n'a toutefois aucune chance de mettre un terme à la campagne.

Une autre résolution qui aurait privé de financement les bombardements menés dans le cadre des efforts de l'OTAN a en revanche été rejetée.

Nombre d'élus, y compris démocrates, se sont montrés furieux ces derniers jours que le président Barack Obama n'ait pas demandé au Congrès son avis avant d'ordonner les frappes contre le régime de Mouammar Kadhafi.

Cette fronde a fait les délices du «Guide» qui a adressé aux élus une lettre dans laquelle il loue leur «sagesse (...) de discuter de ces problèmes».

Plus de quatre mois après la naissance d'une révolte transformée en conflit armé et alors que des bavures ont entaché la campagne de l'OTAN, le leader libyen répète à l'envi qu'il ne se soumettra pas, assurant encore mercredi soir que «la bataille se poursuivra jusqu'à l'au-delà».

Néanmoins, des responsables américains cités vendredi par le Wall Street Journal ont affirmé que le colonel Kadhafi «envisage sérieusement» de quitter la capitale libyenne à la suite des raids aériens de l'OTAN.

Les renseignements obtenus par Washington montrent que le dirigeant libyen «ne se sent plus en sécurité» dans la capitale, indique un haut responsable de la sécurité nationale américaine cité par le quotidien.

Les responsables ne pensent pas que ce déplacement soit imminent et estiment que Kadhafi ne quittera pas son pays. Il disposerait de nombreuses résidences sûres et d'autres installations dans, et à l'extérieur de, la capitale.

L'opposition libyenne, de son côté, se montre ouverte à l'idée de voir le dirigeant, au pouvoir depuis 42 ans, rester au pays s'il accepte de quitter le pouvoir, selon Mahmoud Shammam, porte-parole du Conseil national de transition (CNT, direction politique de la rébellion).

Interrogé sur l'existence de contacts entre insurgés et pouvoir libyen, lors d'une interview au quotidien français Le Figaro publiée vendredi, M. Shammam a répondu: «Oui, des contacts sont en cours par le biais d'intermédiaires. Mais ces négociations ne sont jamais directes».

«Nous évoquons avec eux les mécanismes du départ de Kadhafi», a ajouté le porte-parole du CNT, réaffirmant que la participation de Kadhafi et de membres de sa famille à un futur gouvernement est «totalement exclue».

À Benghazi, fief de la rébellion, le vice-président du CNT Abdul Hafiz Ghoga, invité à réagir aux propos de M. Shammam au Figaro, a toutefois démenti qu'il y ait «de contacts directs ou indirects avec le régime de Kadhafi».

Le régime libyen avait reconnu l'existence de tels contacts.

Sur le plan humanitaire, quelque 300 Libyens, dont 51 prisonniers relâchés par le régime, sont arrivés vendredi à Benghazi à bord d'un navire du Comité international de la Croix rouge (CICR). Environ 110 autres doivent désormais faire le chemin inverse, une traversée de 22 heures.

«Ces civils ont été coupés de leurs proches depuis quatre mois, incapables de traverser le front en raison des combats», a résumé Paul Castella, chef de la délégation du CICR à Tripoli.

«Nous avons eu un dialogue très transparent avec les deux parties du conflit», s'est félicitée de son côté la porte-parole de l'organisation, Dibeh Fakhr.

Selon l'ONU, la guerre a entraîné la fuite à l'étranger de près de 650 000 Libyens et le déplacement à l'intérieur du pays de 243 000 autres.

Selon un haut responsable militaire américain, l'OTAN n'a d'ailleurs pas suffisamment préparé l'après-Kadhafi. «Nous, la communauté internationale, pourrions être demain dans la Libye du jour d'après (sans Kadhafi, NDLR) et il n'y a pas de plan», a dit le plus haut gradé américain en Afrique, le général Carter Ham.

Selon lui, Kadhafi pourrait rapidement tomber et des forces terrestres pourraient être nécessaires pour maintenir l'ordre en Libye.

De son côté, le président français Nicolas Sarkozy a affirmé que «les choses progressent (...), les forces de M. Kadhafi reculent partout». «Nous sommes convenus que nous devions continuer jusqu'au départ» du colonel, a-t-il dit.

Les combats opposent toujours les forces du régime et les insurgés entre Misrata et Zliten sur la route de Tripoli, ainsi qu'à Al-Jabal Al-Gharbi (sud-ouest), selon des sources rebelles qui font état quotidiennement de «martyrs».