Un peu avant 5h du matin, le 1er mai 2010, une femme frappe à la porte de Gus Coletti, dont la maison se trouve à Oak Beach, une municipalité de Long Island.

Coletti, 76 ans, va ouvrir la porte et voit Shannan Gilbert, une prostituée de 24 ans originaire de Jersey City. «Aidez-moi, aidez-moi!» s'exclame la jeune femme.

«J'ai téléphoné à la police, mais quand j'ai raccroché, elle était partie», racontera plus tard Coletti, dernière personne à avoir vu Gilbert.

Ainsi commence l'histoire qui a mené à la découverte de huit cadavres sur une plage de Long Island et déclenché une chasse au tueur en série dont les rebondissements tiennent en haleine les habitants de cette région new-yorkaise connue pour ses plages et ses maisons de villégiature.

En recherchant Shannan Gilbert, les policiers ont d'abord découvert en décembre les restes de quatre jeunes femmes dans les roncières de Gilgo Beach, une plage située à 75 kilomètres à l'est de New York. Portées disparues entre juillet 2007 et décembre 2010, ces femmes de 22 à 28 ans pratiquaient le même métier que Gilbert et recrutaient leurs clients de la même façon qu'elle, soit par l'entremise du site internet Craigslist.

Après la fonte des neiges, les enquêteurs ont repris leurs recherches, Shannan Gilbert ne se trouvant pas parmi les quatre victimes identifiées. Le 29 mars, un cinquième cadavre en décomposition a été retrouvé près de Gilgo Beach, puis, deux jours plus tard, les restes de trois autres victimes ont été découverts dans les environs.

Pour l'heure, les autorités ne peuvent confirmer ni l'identité ni le sexe de ces victimes, qui, à la différence des quatre premières, n'ont pas été retrouvées dans des sacs de jute.

Après avoir ratissé la semaine dernière les plages du comté de Suffolk avec des chiens de détection, des dizaines d'enquêteurs entreprendront aujourd'hui des recherches dans le comté de Nassau, où se trouve notamment Jones Beach, plus grande plage publique de Long Island.

La traque se poursuit

Et, parallèlement à ce ratissage macabre, la chasse au tueur en série se poursuivra. Une chasse compliquée par la prudence du tueur, qui semble bien connaître les techniques policières. Au point où, selon le New York Times, les enquêteurs n'écartent pas la possibilité que celui-ci soit un policier ou qu'il l'ait déjà été.

Le tueur a notamment pris soin d'utiliser un téléphone jetable pour prendre rendez-vous avec les quatre prostituées identifiées. Il se serait également assuré de se trouver dans des endroits de New York fréquentés par un public nombreux, dont Times Square et Madison Square, au moment de faire six appels téléphoniques à la soeur adolescente d'une des victimes, Melissa Barthelemy, qui vivait dans le Bronx avant de disparaître, le 10 juillet 2009.

Autre détail: tous ces appels ont pris fin en moins de trois minutes, une durée qui a empêché la police de New York de retracer leur provenance avec la plus grande exactitude. Les enquêteurs ont qualifié de «vulgaires, moqueurs et insultants» les appels à la soeur de Melissa Barthelemy, faits sur une période de cinq semaines avec le téléphone cellulaire de la victime.

«Nous ne pouvons pas dire avec certitude que la personne qui a appelé la soeur est le tueur, bien que je crois personnellement que ce soit le cas», a déclaré au New York Times Steven Cohen, l'avocat de la famille Barthelemy. «Si on accepte que le tueur était au bout du fil, il nourrit certainement des sentiments de colère à l'égard des prostituées.»

Le tueur en série de Long Island ne serait évidemment pas le premier à s'en prendre à des prostituées. Joel Rifkin, résidant de la péninsule new-yorkaise, a notamment été condamné à la prison à vie en 1994 pour le meurtre de neuf femmes, pour la plupart des prostituées toxicomanes, commis entre 1989 et 1993 (le nombre de ses victimes est probablement supérieur).

Les enquêteurs ont indiqué au New York Times que l'hypothèse voulant que le tueur en série soit ou ait été un policier n'est qu'une théorie parmi d'autres.

Mais cette hypothèse ajoute à l'horreur d'une affaire qui comporte déjà son lot de détails sinistres.