Malgré les tracas que lui cause depuis longtemps le président syrien Bachar al-Assad, l'administration Obama hésite encore à jeter tout son poids du côté des manifestants qui défient le régime.

Jay Carney, le porte-parole de la Maison Blanche, a salué vendredi le «courage et la dignité» des manifestants syriens, et condamné les violences politiques ayant fait neuf nouvelles victimes.

Il a également appelé, comme Washington l'a fait chaque jour ou presque depuis le début des troubles, le gouvernement syrien à respecter les droits de l'homme et à autoriser les manifestations.

Mais pour les États-Unis, rappelait ces derniers jours la secrétaire d'État Hillary Clinton, il n'est pas question de comparer la situation à Damas à celle qui prévaut en Libye, théâtre d'une intervention militaire occidentale contre le régime Kadhafi.

Les troubles en Syrie surviennent alors que l'Amérique, après des années de brouille avec Damas, a choisi de nommer à nouveau un ambassadeur dans ce pays, faisant le pari du dialogue avec un régime dont la proximité avec l'Iran inquiète tous les pays occidentaux.

Si l'administration se montre prudente, avancent les observateurs interrogés par l'AFP à Washington, c'est peut-être parce qu'elle juge encore fort possible, à ce stade, qu'Assad ait le dernier mot face aux manifestants, en s'appuyant notamment sur ses puissants services de sécurité.

Les États-Unis accepteront le changement quand il viendra, pense le dissident Ammar Abdulhamid, président de la fondation Tharwa.

Mais pour l'heure, dit ce militant pro-démocratie, «ils craignent qu'Assad ne s'en aille pas facilement et puisse créer une situation difficile, qui finirait par déboucher sur un scénario de guerre civile».

Pour Marina Ottaway, directrice des recherches sur le monde arabe à la fondation Carnegie, les États-Unis réagissent aux révoltes arabes au cas par cas, et leur soutien au changement en Tunisie, puis en Égypte, ne garantit pas qu'ils feront le même choix en Syrie.

L'analyste met aussi en avant le risque potentiel de l'islamisme en cas de changement de régime, malgré l'écrasement des Frères musulmans syriens dans les années 80, quand la Syrie était sous la férule d'Hafez al-Assad, le père de Bashar.

Or personne ne sait où les Frères en sont aujourd'hui, souligne-t-elle. Et de façon générale, les responsables américains en savent bien moins sur le paysage politique de la Syrie que sur ceux de l'Égypte ou de la Tunisie.

Sur la durée, dit Mme Ottaway, c'est le pragmatisme qui prévaudra du côté américain. Mais «si le mouvement de protestation continue et montre la possibilité d'apporter le changement, les États-Unis feraient mieux d'apprendre à coopérer avec les manifestants».

Un diplomate européen basé à Washington résumait ainsi, cette semaine, les affres que son pays partage avec les États-Unis.

Il y a en Syrie, «plus qu'en Libye, des réseaux extrémistes, des liens avec l'Iran et avec le Hezbollah», notait-il sous couvert de l'anonymat.

«Le but n'est pas de se retrouver sans Assad et avec, à sa place, un régime pro-iranien», ajoutait-il.

Une prudence inutile, à en croire Ammar Abdulhamid, qui rappelle les liens étroits existant déjà entre Damas et Téhéran.