À l'ombre de la Tour Eiffel de l'hôtel-casino Paris, sur le célèbre «Strip», un Français serre les mains en lançant des «Victor for Vegas» à la cantonade. Victor Chaltiel fait campagne et croit en son étoile dur comme fer: il veut être le prochain maire de Las Vegas.

À l'ombre de la Tour Eiffel de l'hôtel-casino Paris, sur le célèbre «Strip», un Français serre les mains en lançant des «Victor for Vegas» à la cantonade. Victor Chaltiel fait campagne et croit en son étoile dur comme fer: il veut être le prochain maire de Las Vegas.

La capitale mondiale du jeu, vitrine scintillante de l'État du Nevada, élira le 5 avril le successeur d'Oscar Goodman, qui a présidé aux destinées de la ville pendant 12 ans et ne peut plus se représenter.

Dix-huit candidats sont en lice, dont la femme du maire Carolyn Goodman - en tête des sondages. Mais parmi eux, un seul fait le baise-main aux électrices et leur parle avec un accent français à couper au couteau: Victor Chaltiel.

«Au début, je pensais que mon accent allait être un obstacle», raconte-t-il à l'AFP au pas de course, entre une réunion de la Chambre de commerce asiatique et un déjeuner avec des électrices républicaines.

«Mais un ami américain m'a décomplexé», ajoute-t-il. «Il m'a dit: Victor, en 38 ans aux États-Unis, est-ce que ton accent a été un obstacle pour réussir et faire fortune? Jamais. Alors fonce! ».

Victor Chaltiel, né il y a 69 ans en Tunisie, est une publicité vivante pour l'ascenseur social à la française - quand il marche - et le rêve américain.

«Premier en tout, boursier partout et sans un franc en poche», il fait ses études secondaires à Marseille et intègre l'école de commerce ESSEC, avant de faire un MBA à Harvard, l'une des plus prestigieuses universités américaines.

Il travaille pendant 18 ans pour le groupe pharmaceutique Baxter avant de se mettre à son compte. Après 38 ans passés aux États-Unis, dont 15 à Las Vegas, il préside aujourd'hui une société de capital-risque.

«Les États-Unis m'ont donné beaucoup - éducation, liberté d'entreprendre et indépendance financière. Je veux donner en retour, aider la ville à résoudre son chômage. Et ça ne va pas être facile», observe ce républicain conservateur féru d'histoire, allègre pourfendeur des impôts et de la bureaucratie.

Inconnu il y a encore un mois, le Franco-américain a puisé dans sa fortune pour investir massivement dans la publicité télévisée en mars, et s'étonne lui-même de sa nouvelle popularité, qui l'aurait propulsé selon lui en deuxième place des intentions de vote- les derniers sondages publics, où il figure en bas du classement, sont trop anciens pour évaluer l'effet de sa campagne.

Chauffeurs, portiers d'hôtels et de casinos, doublures d'Elvis et touristes en goguette... ils sont nombreux à reconnaître Victor Chaltiel et à lui lancer «Victor for Vegas», en faisant le double «V» de la victoire -- la signature du candidat dans ses spots publicitaires, diffusés sur YouTube.

Pour rendre son lustre à la capitale du jeu, durement touchée par la crise, le candidat prône une gestion d'«entreprise», avec «une stratégie de développement». Sa cible électorale est large et va des Latinos aux Afro-américains, en passant par les républicains conservateurs et les démocrates modérés. «Bref, tous ceux qui veulent retrouver un travail», dit-il.

Encore faut-il qu'ils votent... Sur les 800 000 habitants de Las Vegas, seuls 45 000 environ se sont déplacés lors des précédents scrutins municipaux.

S'il est élu, Victor Chaltiel promet de développer le tourisme international, limité aujourd'hui à 14% des visiteurs, en s'appuyant sur «la formidable marque Las Vegas, aussi puissante que Coca-Cola», et de diversifier l'économie, notamment en attirant l'industrie cinématographique.

Mais ne comptez pas sur lui pour faire fleurir les maisons closes, comme certains élus le proposent. «Je suis totalement contre. Las Vegas a été connue ces 50 dernières années comme «La Ville du Péché» («Sin City»). Pour les 50 prochaines, je veux en faire une «Business City» ».