Le Congrès américain a tenu hier la première d'une série d'audiences sur la « radicalisation» de la communauté musulmane américaine, une enquête parlementaire qui suscite la controverse tant par son sujet que par son instigateur, le représentant républicain de New York, Peter King.

Sous le feu des projecteurs, Peter King n'a pas osé répéter ses déclarations les plus controversées sur les mosquées américaines, dont plus de 80% sont dirigées à son avis par des imams radicaux, ou sur la communauté musulmane des États-Unis, dont les représentants refusent selon lui de collaborer avec la police.

Mais le président de la commission de la Sécurité intérieure de la Chambre des représentants a défendu avec vigueur hier matin sa décision de tenir des audiences sur «la radicalisation de la communauté musulmane américaine». En ouvrant la première de ces audiences, il a dénoncé «la rage et l'hystérie» de certains de ses critiques, qui voient en lui un héritier de Joseph McCarthy, responsable d'une chasse aux sorcières anticommuniste au Congrès dans les années 50.

«Malgré ce qui passe pour de la sagesse populaire, il n'y a rien de radical ou d'antiaméricain dans ces audiences. En fait, l'enquête parlementaire sur la radicalisation de l'islam américain est la réponse logique aux avertissements répétés et urgents qu'a lancés l'administration Obama au cours des derniers mois», a déclaré Peter King.

Le représentant républicain de New York a notamment cité les déclarations récentes du conseiller adjoint de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale, Dennis MCDonough, selon qui les groupes radicaux comme Al-Qaïda tentent désormais de recruter et d'utiliser des personnes qui vivent légalement aux États-Unis.

Des nuances

Mais l'audience d'hier a vite mis en relief les profondes divisions et les vives émotions que suscite l'approche de Peter King. Invité à témoigner devant la commission, le représentant démocrate du Minnesota Keith Ellison, un des deux musulmans du Congrès, a reconnu l'existence d'une menace islamiste aux États-Unis, mais rejeté l'amalgame que fait selon lui le représentant républicain.

«Une audience comme celle-ci part du principe que la communauté musulmane dans son entier doit porter la responsabilité de l'action de quelques-uns», a-t-il dit, soulignant la nécessité de «mener une enquête minutieuse et juste qui ne cause pas de préjudice».

Ellison n'a pu réprimer ses larmes lorsque, à la fin de son témoignage, il a raconté l'histoire de Mohammed Salman Hamdani, jeune secouriste mort dans l'une des tours du World Trade Center. Jusqu'à ce que ses restes soient retrouvés, on l'avait soupçonné d'avoir joué un rôle dans les attentats du 11 septembre 2001 en raison de sa disparition et de sa religion.

«C'était un Américain qui a donné sa vie pour des Américains», a déclaré le représentant démocrate, la voix étranglée par l'émotion.

«Nos enfants en danger»

Contrairement à Keith Ellison, les autres témoins invités par Peter King ont vanté l'approche du représentant républicain. L'un d'eux, Melvin Bledsoe, a décrit le parcours de son fils Carlos, converti à l'islam à 19 ans et entraîné au Yémen par des radicaux. En 2009, le jeune homme a tué un soldat et en a blessé un autre dans l'attaque d'un centre de recrutement militaire à Little Rock, en Arkansas.

«Nos enfants sont en danger», a déclaré Melvin Bledsoe.

Un autre témoin, Abdirizak Bihi, actif dans la communauté somalienne de Minneapolis, a raconté que son neveu avait été recruté au Minnesota avec d'autres jeunes Américains d'origine somalienne par la milice islamiste shebab, au service de laquelle il est mort en Somalie.

La commission de la Sécurité intérieure n'aura entendu hier qu'un seul représentant d'une organisation musulmane américaine, Zuhdi Jasser. Ce médecin de l'Arizona a déploré le refus de groupes plus importants que le sien de dénoncer l'islam radical.

Le shérif du comté de Los Angeles, Lee Baca, un des témoins invités par les démocrates de la commission, a contredit de son côté l'opinion de Peter King sur le soi-disant refus des musulmans de collaborer avec les policiers. Il a de plus estimé que l'audience du représentant républicain risquait de faire le jeu d'Al-Qaïda.

«Cela entre dans la propagande terroriste selon laquelle la guerre de l'Occident contre la terreur est en fait une guerre contre l'islam», a-t-il déclaré.

C'est le pourcentage des Américains qui estiment que l'islam encourage davantage la violence que les autres religions, selon un sondage du Pew Research Center.