La Cour suprême des États-Unis a consacré une nouvelle fois mercredi le droit à la liberté d'expression, «même quand elle peut blesser», en donnant raison à un groupuscule religieux radical responsable de manifestations violemment homophobes lors de funérailles de soldats.

Le litige tranché par les neuf sages avait pour objet le comportement d'un groupe ultra-conservateur, l'église Westboro du Kansas, qui avait perturbé les funérailles en 2006 du soldat Lance Matthew Snyder, 20 ans, tué cinq semaines après son arrivée en Irak.

L'église Westboro prétend que les soldats américains tombent au combat parce que l'Amérique s'est perdue «dans le péché» et que son armée tolère l'homosexualité.

«Merci mon Dieu pour les soldats morts !», «Soldats pédés !», crachaient les pancartes brandies par les manifestants lors des funérailles du jeune soldat.

Mais tout en reconnaissant la violence de ces propos, la Cour suprême a jugé, par huit voix contre une, que leurs auteurs étaient protégés par le Premier amendement de la Constitution américaine, qui garantit la liberté d'expression.

«La parole est puissante. Elle peut pousser les gens à agir, les faire pleurer, de joie ou de tristesse, et leur infliger, comme c'est le cas ici, une grande souffrance», explique la Cour suprême dans son arrêt.

«Mais nous ne pouvons répondre à cette souffrance en punissant celui qui s'est exprimé», poursuit-elle.

«En tant que nation, nous avons choisi une voie différente, qui est de protéger la liberté d'expression, même quand elle peut blesser, sur les questions de société, pour faire en sorte que nous n'étouffions pas le débat public», ajoutent les juges.

Cette décision est conforme à la jurisprudence de la Cour suprême, qui n'a posé de limites au Premier amendement que dans un petit nombre d'exceptions, parmi lesquelles les propos obscènes et l'incitation au crime.

En 1989 par exemple, elle a ordonné à 48 Etats d'abolir la loi interdisant de brûler le drapeau américain, un acte ressenti comme très violent dans la mentalité américaine.

Reflet de l'attachement des Américains au Premier amendement, l'église Westboro a reçu le soutien de l'organisation de défense des droits civiques ACLU et de nombreux médias, comme le quotidien Washington Post.

Fort d'environ 75 membres et dirigé par le pasteur Fred Phelps, père de 13 enfants et aïeul de 54 petits-enfants, le groupuscule est connu pour avoir organisé des centaines de manifestations lors de funérailles de soldats, mais aussi de pompiers ou de policiers, jouant de la présence des médias pour distiller son message de haine.

L'église avait assuré sur un site internet que les parents de Lance Snyder avaient élevé leur fils «pour le diable».

Albert Snyder, le père du jeune soldat, avait poursuivi le pasteur Phelps pour diffamation et violation de la vie privée, obtenant d'un premier jugement près de 11 millions de dollars de dommages et intérêts pour s'être vu infliger une «détresse morale».

La décision avait ensuite été cassée par une cour d'appel qui avait estimé que même si le discours du groupe religieux était «répugnant», il était protégé par le Premier amendement.

La décision de la Cour suprême s'inscrit dans le même esprit et les juges n'ont pas manqué de le rappeler dans leur attendu. «L'église de Westboro pense que les États-Unis sont moralement corrompus. Mais il est fort probable que les Américains pensent de même à leur endroit», écrivent-ils.