La possibilité que l'administration Obama renvoie de nouveaux détenus devant des tribunaux militaires d'exception, à Guantanamo, a déclenché jeudi un torrent de protestations parmi les organisations de défense des droits de l'homme.

Le New York Times a révélé jeudi que le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, allait «bientôt lever l'interdiction d'organiser de nouveaux procès» devant les tribunaux d'exception de Guantanamo, que le président Barack Obama avait imposée au premier jour de son arrivée à la Maison Blanche.

Ces informations n'ont pas été confirmées à l'AFP par le Pentagone jeudi.

Selon le quotidien, trois hommes seraient visés par ces nouvelles charges, parmi lesquels Abd al-Rahim al-Nashiri, accusé d'avoir organisé l'attentat contre le navire USS Cole qui avait fait 17 morts, des militaires américains, au large du Yémen en 2000.

M. Al-Nashiri est un des trois actuels détenus de Guantanamo sur lesquels les autorités américaines ont reconnu avoir exercé des tortures. Selon un rapport de l'inspecteur général de la CIA révélé en août 2009, il a notamment été menacé d'un revolver puis d'une perceuse électrique en marche avant que ses interrogateurs lui laissent entendre qu'ils pourraient violer sa mère en sa présence.

«Juger des détenus de Guantanamo dans un système judiciaire conçu pour assurer des condamnations et non des procès équitables est un coup terrible porté au rétablissement de l'État de droit», a estimé dans un communiqué l'Organisation américaine de défense des libertés civiles (ACLU).

Elle a estimé que la possibilité que M. Al Nashiri soit jugé devant un tribunal militaire d'exception montrait que ceux-ci «sont utilisés pour dissimuler l'utilisation de la torture et condamner sur des éléments douteux qui n'auraient pas été acceptés dans un tribunal de droit commun».

Se disant «très déçu» que l'administration envisage le seul recours à ces tribunaux d'exception, le Centre pour les droits constitutionnels (CCR) a de son côté estimé qu'il s'agissait d'«un système judiciaire de second ordre à l'adresse des Arabes et des musulmans».

Dans ce concert de critiques, l'organisation Human Rights First (HRF) a relevé que début janvier, le président Obama avait lui-même plaidé pour un système judiciaire double: tribunaux d'exception et tribunaux de droit commun.

«Mais à part un détenu de Guantanamo déclaré coupable par un tribunal fédéral en décembre, M. Obama n'a jamais utilisé ce système», a regretté HRF. «Si l'administration relance les tribunaux militaires d'exception maintenant, sans montrer un changement entre la situation désastreuse créée par l'administration Bush à Guantanamo et de nouveaux procès, le président laissera la marque d'une politique qui ressemble à s'y méprendre à celle de son prédécesseur: tribunaux d'exception et détention illimitée», a ajouté l'organisation.

Enfin, l'association Peaceful Tomorrows de familles de victimes du 11-Septembre, a rappelé que «cette alternative mal adaptée à notre système de justice fédéral va continuer à retarder notre volonté que justice soit faite», presque dix ans après les attentats.

Créés en 2006 et réformés en 2009 par l'administration Obama, les tribunaux militaires d'exception de Guantanamo ont jusqu'ici jugé cinq hommes. Trois d'entre eux ont plaidé coupable, deux ont fait l'objet d'un procès complet. En tout, deux condamnés ont été rapatriés, libres, dans leur pays. Les trois autres purgent leur peine à Guantanamo.