La Cour suprême des États-Unis n'a pas laissé entrevoir mercredi la réponse qu'elle allait donner au condamné à mort texan Hank Skinner qui souhaite recourir à une loi fédérale afin d'effectuer des analyses ADN et de prouver son innocence.

Progressistes et conservateurs de la plus haute juridiction des États-Unis ont semblé hésitants à modifier le système de procédure judiciaire tel qu'il existe, tout en manifestant leur compréhension pour le cas précis qui leur était présenté.

Contrairement à d'autres dossiers dans lesquels les juges semblent avoir arrêté leur opinion avant l'audience, les dizaines de questions qu'ils ont posé mercredi malmenaient les avocats des deux parties, montrant leur embarras à aller dans une direction ou dans l'autre.

La plus haute juridiction des États-Unis doit prendre une décision avant juin 2011. Si elle ne se prononçait pas en faveur du condamné, celui-ci ferait face à une nouvelle date d'exécution, a rappelé à l'AFP à la sortie de l'audience sa femme française, Sandrine Ageorge-Skinner.

Hank Skinner avait échappé in extremis le 24 mars à son exécution grâce au sursis prononcé par la Cour suprême 45 minutes seulement avant l'heure fatale.

Condamné à mort en 1993 pour le triple meurtre de sa compagne et des deux fils de celle-ci, Hank Skinner, 48 ans, a toujours clamé son innocence et réclame que des tests ADN soient effectués sur des taches de sang et sur des particules prélevées sous les ongles de sa compagne qui avaient été relevées sur la scène du crime.

Mais la procureure du Texas Lynn Switzer refuse de fournir ces éléments de preuve au motif que l'avocat du condamné avait refusé de demander qu'ils soient analysés au moment du procès, dans le cadre de sa stratégie de défense.

La question posée aux neuf sages mercredi est technique: ils doivent déterminer quelle voie juridique peut emprunter un condamné cherchant à avoir accès à des éléments de preuves, sans distordre l'organisation du système judiciaire dans son ensemble et notamment la séparation entre la justice rendue par les États et la justice fédérale.

Concrètement, la plupart des États américains autorisent les condamnés à procéder à des analyses ADN après leur procès, mais pas le Texas.

Mercredi, l'avocat de Mme Switzer, Gregory Coleman, a expliqué aux juges qu'une décision en faveur du condamné entraînerait une avalanche de procédures de la part d'autres condamnés utilisant la loi fédérale pour contourner les décisions des tribunaux texans.

Mais interrogé par la presse après l'audience, l'avocat du condamné, Rob Owen, a estimé que «dans tous les autres États, ça n'a pas ouvert les vannes» à de multiples procédures.

Plus généralement, ce dossier jette un nouveau coup de projecteur sur les multiples barrières légales opposées aux condamnés à mort disposant d'éléments pouvant établir leur innocence mais n'obtenant pas l'autorisation des tribunaux pour les présenter.

«Cela n'a pas de sens de ne pas accorder les mêmes droits aux condamnés à mort dans un Etat et dans un autre, c'est une question fédérale», a estimé Mme Ageorge-Skinner. Elle a expliqué à l'AFP que son mari était «anxieux et impatient» mais, a-t-elle ajouté, «on a appris à ne pas être optimiste», après les nombreuses déconvenues judiciaires enregistrées depuis 15 ans.

Les neuf sages vont donc une nouvelle fois devoir se prononcer sur la possibilité qu'un innocent soit exécuté.

Sur ce point, la Cour est partagée idéologiquement: certains juges conservateurs estiment qu'aucun système ne fonctionne sans quelques erreurs, tandis que des juges progressistes ont déjà exprimé leur réticence à exécuter quelqu'un dont la culpabilité est mise en cause.