La justice américaine a fait une entrée tonitruante, mardi, dans le débat sur le tabou homosexuel dans l'armée, en déclarant anticonstitutionnelle la loi qui oblige depuis 1993 les militaires gays à dissimuler leur orientation sexuelle, sous peine d'exclusion.

La juge Virginia Phillips du tribunal fédéral de Los Angeles a estimé que la loi «Don't ask, don't tell» (DADT, «ne rien demander, ne rien dire»), «ne respecte pas les droits fondamentaux des militaires américains, viole le droit à une application égalitaire de la loi et le droit à la liberté d'expression».

Pour la juge, le texte bafoue les Premier et Cinquième amendements de la constitution américaine. Elle a par conséquent «interdit» aux États-Unis d'«appliquer la loi et de la mettre en oeuvre contre n'importe quelle personne sous leur juridiction ou leurs ordres».

Elle a ordonné enfin que «le secrétaire à la Défense suspende ou interrompe toute enquête, renvoi ou procédure en cours entamé en vertu de la loi».

La décision de la juge Phillips a été immédiatement saluée par Servicemembers United, la plus grande organisation de militaires et d'anciens combattants gays et lesbiennes des États-Unis.

«La décision du juge Phillips est un nouveau pas, courageux et historique, dans la bonne direction, un pas que le Congrès tarde à franchir», a déclaré dans un communiqué Alexander Nicholson, directeur de l'association.

«Cependant, sans rien enlever à l'importance de la nouvelle, nous voulons mettre en garde contre un gel éventuel de la décision par la cour d'appel. Mais si cette dernière veut être du bon côté de l'histoire, elle confirmera cette décision juste et longtemps espérée», ajoute-t-il.

Le jugement dépourvu d'ambiguïtés de la justice américaine tranche avec les atermoiements du Sénat américain, qui avait rejeté fin septembre, pour une durée indéfinie, l'examen de l'abrogation de la loi, soutenue par le président Barack Obama et le chef d'état-major interarmées, l'amiral Michael Mullen.

Les sénateurs républicains, globalement opposés à l'abrogation, réclament les conclusions d'une étude du Pentagone sur la façon de mettre fin au tabou homosexuel dans l'armée, avant tout vote sur la question.

Selon les derniers sondages, la population américaine serait favorable à la fin du tabou homosexuel dans l'armée.

Le Pentagone, par la voix de sa porte-parole Cynthia O. Smith, a déclaré à l'AFP «qu'il venait juste de prendre connaissance» de la décision de la juge Phillips. «Nous sommes en train de l'étudier et en discuterons avec le ministère de la Justice», a-t-elle ajouté.

La loi DADT avait été adoptée en 1993 sous l'administration Clinton. Elle était alors considérée comme un compromis: d'un côté les autorités ne demandaient pas leur orientation sexuelle aux soldats -pour ne pas avoir à exclure les homosexuels, comme l'exige la loi-, de l'autre les gays devaient dissimuler leur homosexualité.

L'abrogation de la DADT a reçu le soutien notable la pop star et icône gay Lady Gaga, qui s'est fortement investie sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter contre la loi, accusant les républicains -et notamment le sénateur John McCain, en tête des opposants- d'«obstruction honteuse».

Fin septembre, la justice américaine avait déjà émis en jugement favorable au défenseurs des droits des gays, en ordonnant la réintégration dans l'armée d'une infirmière lesbienne, Margaret Witt, qui en avait été exclue en 2007.

Son orientation sexuelle avait été révélée à sa hiérarchie par l'ex-mari de sa compagne, et entraîné son exclusion de l'armée de l'air en vertu de la loi DADT.