Le scandale des Guatémaltèques infectés par des maladies transmises sexuellement (MTS) dans les années 40 dans le cadre d'une étude américaine, révélé par l'administration Obama, remet en lumière une affaire similaire ayant porté sur des Noirs aux États-Unis entre 1932 et 1972.

Washington a présenté vendredi des excuses à des centaines de Guatémaltèques exposés à dessein et à leur insu à des maladies sexuellement transmissibles dans le cadre de cette recherche menée par le gouvernement américain.

Le président Barack Obama s'est personnellement excusé auprès de son homologue guatémaltèque.

Quelque 1500 personnes vulnérables, comme des prisonniers, ont été enrôlées dans cette expérimentation visant à déterminer si la pénicilline, dont on commençait à se servir, pouvait prévenir des maladies transmises sexuellement.

En 1997, le président Bill Clinton avait présenté ses excuses aux survivants d'un groupe composé de quelque 400 Noirs, tous des hommes, travailleurs saisonniers de l'Alabama, recrutés par les autorités médicales dans le cadre d'une recherche au cours de laquelle tout traitement contre la syphilis leur avait été refusé afin d'étudier l'évolution de la maladie.

Les médecins qui avaient conduit cette étude durant 40 ans, connue sous le nom de «Tuskegee», nom d'une ville de l'Alabama, leur avaient menti en leur disant les traiter pour d'autres problèmes de santé.

Le principal chercheur impliqué dans les expérimentations menées sur les Guatémaltèques, le Dr John Cutler, décédé en 2003, a joué un rôle important dans la recherche de «Tuskegee».

«Ce qui a été fait ne peut être défait mais on peut mettre fin au silence... et dire de la part du peuple Américain que ce que le gouvernement des États-Unis a fait est honteux», avait déclaré l'ancien président Clinton.

L'étude de «Tuskegee» est devenue un puissant symbole du racisme dans le domaine de la médecine, des graves dérapages éthiques dans la recherche sur l'homme et des abus du gouvernement sur les personnes vulnérables, note dans son ouvrage de référence Bad Blood: the Tuskefee Syphilis Experiment l'historien James H.Jones.

Cette étude «a été, selon lui, la plus longue expérience non thérapeutique sur des humains dans l'histoire de la médecine».

Citant une série de documents internes dont les derniers datent de 1969, cet historien -dont le livre est paru en 1991- indique que les responsables du projet estimaient qu'il y avait «une obligation morale» à poursuivre l'étude oubliant au passage l'obligation morale de traiter les malades.

Quand l'affaire a été révélée par la presse en 1972, elle a profondément choqué les Américains et des comparaisons avec les expériences médicales menées par les nazis avaient alors été évoquées.

Le Congrès américain a organisé une série d'auditions et une action en justice en nom collectif a été engagée et réglée à l'amiable entre le gouvernement fédéral et les avocats des victimes ou de leurs descendants contre un paiement d'environ dix millions de dollars.

La commission d'enquête fédérale avait estimé dans ses conclusions que cette expérimentation, empreinte de bonnes intentions, était une «aberration» et mal avisée.

Le scandale de l'étude de «Tuskegee» et les auditions au Congrès menées par le sénateur Ted Kennedy, décédé en 2009, sont à l'origine des lois américaines actuelles régissant les expérimentations médicales sur l'homme, confirme le Dr Mark Siegler, spécialiste d'éthique à la faculté de médecine de l'Université de Chicago, cité par le New York Times

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