L'audience d'un soldat américain accusé d'avoir organisé pour s'amuser le meurtre de trois civils afghans se poursuivait lundi aux États-Unis, en l'absence de la plupart des témoins, ayant usé de leur droit au silence.

Les débats ont commencé peu après 09h40 à la base militaire de Lewis-McChord, à quelques kilomètres de Tacoma, au sud de Seattle. Ils ont été ouverts par le colonel Thomas Molloy, l'officier chargé de l'enquête, qui devra décider si l'affaire doit aller jusqu'à la cour martiale.

Jeremy Morlock, 22 ans, visage adolescent et yeux cernés, est le premier d'un groupe de cinq soldats à comparaître devant la justice militaire, accusé comme ses compagnons d'armes d'avoir organisé pour s'amuser le meurtre de trois civils afghans entre janvier et mai 2010, pendant son déploiement dans la province de Kandahar. Sept autres soldats sont accusés d'obstruction à l'enquête.

L'audience devait permettre d'en apprendre davantage sur les mobiles et les détails entourant les meurtres présumés, objets de nombreuses spéculations.

Mais dès l'ouverture des débats, les représentants de l'accusation ont précisé que plus d'une dizaine de témoins essentiels -- dont trois accusés -- avaient décidé d'user de leur droit au silence.

Les interrogatoires de la matinée se sont donc focalisés sur le témoignage des officiers ayant mené les enquêtes en Afghanistan, en mai dernier, et qui avaient recueilli les déclarations de Jeremy Morlock.

Dans ces déclarations, le soldat avait reconnu avoir participé à des «scénarios» ayant conduit à la mort de civils, selon l'agent spécial Shannon Richey, qui témoignait par téléphone depuis l'Afghanistan.

Michael Waddington, avocat du jeune homme, a essayé de minimiser les déclarations de son client, en soulignant qu'il «recevait alors un traitement médical» suite à des lésions au cerveau. «Il avait des nausées, il prenait des pilules pour dormir», a déclaré M. Waddington.

L'agent spécial Anderson Wagner, qui témoignait également par téléphone depuis Kandahar, a cependant affirmé que durant l'interrogatoire, il avait pu «accrocher le regard de l'accusé, qu'il était capable de répondre aux questions» et que «l'entretien n'avait jamais viré à la confrontation».

La défense a également mis l'accent sur le fait que les corps des trois civils afghans n'avaient jamais été retrouvés.

Les débats ont par ailleurs permis de confirmer que l'accusé avait dans son ordinateur quelque 3000 photos, dont certaines de cadavres d'Afghans.

Jeremy Morlock et plusieurs autres soldats sont également accusés d'avoir passé à tabac un de leurs camarades pour tenter d'étouffer une enquête sur la consommation de haschich au sein de leur groupe.

Selon le dossier d'accusation, Morlock a «menacé de le tuer s'il évoquait la consommation de haschich» devant la hiérarchie et lui a montré «des doigts prélevés sur un cadavre».

Des responsables avaient indiqué en mai à l'AFP que le soldat qui avait dénoncé les faits à sa hiérarchie avait été sévèrement battu, «presque à mort», selon une source.

L'affaire est potentiellement explosive pour l'armée américaine, qui peine à gagner la confiance de la population afghane, en particulier dans la province de Kandahar, bastion des talibans.

Les autorités militaires sont en outre en butte à des accusations selon lesquelles elles avaient été averties de ces atrocités présumées mais avaient tardé à réagir.

Si Jeremy Morlock est finalement reconnu coupable en cour martiale, il risque la prison à vie ou la peine de mort.