L'interdiction faite aux militaires américains de révéler leur homosexualité est inconstitutionnelle car elle viole la liberté d'expression et le droit à un traitement équitable, a décidé jeudi un tribunal fédéral californien.

«La loi "Don't ask, don't tell" (ne rien demander, ne rien dire) viole manifestement les droits constitutionnels» des militaires homosexuels, écrit la juge Virginia Phillips dans sa décision.

La loi «Don't ask, don't tell» oblige les militaires homosexuels à taire leur orientation sexuelle, sous peine d'être renvoyés de l'armée américaine.

«Le plaignant a le droit (...) à une déclaration judiciaire en ce sens et à une injonction permanente empêchant l'application de la loi», poursuit la juge, estimant que les preuves présentées à la Cour par les membres des Log Cabin Republicans, une organisation homosexuelle républicaine, montrait clairement que cette règle était discriminatoire.

Selon la juge, la règle en vigueur interdit aux homosexuels de parler de leurs relations alors qu'elle autorise les hétérosexuels à faire de même.

La juge estime aussi qu'elle viole le 5e amendement de la Constitution en limitant la possibilité pour les soldats en cause de contester une décision de renvoi.

L'injonction, qui devrait suspendre l'application de la loi sur tout le territoire américain, n'entrera toutefois pas en vigueur immédiatement.

Le jugement donne aux Log Cabin Republicans jusqu'au 16 septembre pour soumettre un projet d'injonction, puis une semaine ensuite au gouvernement pour présenter ses objections. Le gouvernement peut également faire appel de la décision du tribunal.

Cette décision place le gouvernement du président Barack Obama dans une position difficile, celle de devoir défendre une loi qu'il s'est engagé à abroger.

«Nous savons que forcer les homosexuels et les lesbiennes à vivre une vie de mensonges ou quitter l'armée ne contribue pas à notre sécurité, elle y porte préjudice», avait récemment assuré le président Obama.

Il s'est néanmoins engagé à l'abroger en coordination avec les principaux chefs de l'armée et le Congrès, et à l'issue d'une vaste évaluation au sein de l'armée sur les conséquences de cette abrogation sur l'efficacité des troupes.

Le 28 mai, la chambre des Représentants avait voté l'abrogation de la loi «don't ask, don't tell». Mais le débat sur la question promet d'être féroce au Sénat, dont une commission a approuvé l'abrogation de la loi, mais où les opposants à cette mesure sont nombreux.

L'abrogation a le soutien du chef d'état-major des armées, l'amiral Mike Mullen, et le ministre de la Défense Robert Gates, s'est dit prêt, quelque peu à contrecoeur, à préparer l'armée à ce changement.

Mais d'autres importants chefs militaires estiment que la loi actuelle est le meilleur compromis possible, estimant qu'une modification nuirait au moral des troupes et à leur efficacité.

La juge Phillips a rejeté ces arguments, estimant au contraire la loi nuisible en soi.

«Loin d'améliorer l'efficacité de l'armée, le renvoi de ces soldats hommes et femmes a eu un effet direct et néfaste», estime la juge, citant le renvoi de militaires possédant des compétences cruciales dans certaines langues et l'atteinte au moral de militaires ayant vu des camarades compétents mis à la porte de l'armée en raison de leur orientation sexuelle.

Elle a également souligné que des militaires suspectés d'être homosexuels avaient poursuivi leur engagement sur des théâtres extérieurs, les enquêtes et les renvois n'intervenant qu'à leur retour, ce qui démontre «que cette règle n'est pas nécessaire».