Une cour d'appel américaine a donné raison mercredi à l'administration Obama en classant, au nom du «secret d'État», le dossier des vols secrets de la CIA mis en place après le 11 Septembre pour transporter des suspects de terrorisme et les interroger à l'étranger.

L'Association américaine de défense des libertés civiles (ACLU) qui défendait les plaignants dans cette affaire a aussitôt annoncé qu'elle allait saisir la Cour suprême.

La cour d'appel fédérale de San Francisco qui statuait en formation plénière (11 juges) assure dans une décision à six voix contre cinq que «le ministère public nous a convaincu» que les éléments à charge dans cette affaire «devaient absolument être protégés par la prérogative du secret d'État».

À l'origine de l'affaire, qui a démarré en mai 2007, cinq anciens détenus ont déposé une plainte contre Jeppesen Dataplan, une filiale de Boeing pour avoir appuyé la logistique des transfèrements de suspects de terrorisme vers des prisons hors des États-Unis.

Les cinq plaignants affirment avoir été enlevés, transportés dans des pays étrangers et remis à des agents de la CIA (agence américaine de renseignement) ou à des gouvernements étrangers pour être torturés.

Les faits invoqués se sont déroulés sous l'administration Bush qui a reconnu que, après les attentats du 11 Septembre, ce type de transfèrements a en effet eu lieu.

«Même si des informations sur ces opérations ont été publiquement révélées, le rôle de Jeppesen et son éventuelle responsabilité dans les vols ne peuvent pas être pris isolément des parties du dossier qui sont secrètes et protégées», affirme la cour d'appel.

«Nous insistons sur le fait que l'invocation du secret d'État pour obtenir le classement d'un dossier devrait être rare (...) néanmoins le cas existe», conclut la cour d'appel.

Au nom des cinq plaignants qu'elle défend, l'ACLU a estimé dans un communiqué qu'il s'agissait d'«un triste jour, pas seulement pour les victimes de torture dont le besoin de justice a été anéanti mais pour tous les Américains qui se soucient de l'État de droit et de l'image de notre pays dans le monde».

La puissante association a rappelé que, «à l'heure actuelle, aucune victime du programme de torture de l'administration Bush n'a été entendue par la justice».

En avril 2009, la même cour d'appel, mais en formation restreinte à trois juges, avait donné raison aux plaignants et ordonné que la procédure se poursuive.

Il s'agissait d'une immense victoire pour ceux qui souhaitent voir les méthodes et décisions de l'administration Bush en matière d'anti-terrorisme punies par les tribunaux. Mais l'administration Obama, comme celle de son prédécesseur a demandé à la cour de réexaminer le cas en formation plénière cette fois.

Lors de l'audience le 15 décembre, elle avait, comme l'administration Bush, plaidé l'impossibilité de «démêler» le secret d'État du reste si la responsabilité de Jeppesen venait à être examinée dans le détail par un jury.

Deux des cinq plaignants sont toujours emprisonnés, l'un au Maroc, l'autre en Égypte. Les trois autres ont été libérés par le gouvernement américain, sans aucune accusation.

Parmi eux, figure l'Éthiopien Binyam Mohammed, libéré du camp de Guantanamo au Royaume-Uni en février 2009. Il affirme avoir été secrètement transporté en 2002 au Maroc pour y être torturé, puis en 2004 à Kaboul, où il dit également avoir subi des tortures avant de rejoindre Guantanamo.