Le désir impérieux de la population américaine de vivre et de travailler dans des pièces climatisées a l'effet ironique de contribuer au réchauffement planétaire, qui tend à accroître le recours aux conditionneurs d'air.

C'est le cercle vicieux que dénonce Stan Cox, chercheur au Land Institute de Salina, au Kansas, dans Loosing Our Cool, un livre publié le mois dernier où il décrit l'impact de la clim sur plusieurs aspects de la vie américaine, dont la démographie, la santé, la politique et la sexualité. En pleine canicule, nous avons parlé avec lui de cette invention, qui ne serait pas étrangère à l'élection de George W. Bush à la Maison-Blanche

Q Quelle proportion de l 'électricité consommée par les Américains sert à la climatisation?

R À l'heure actuelle, la climatisation est responsable de près de 20% de notre consommation annuelle d'électricité. Les États-Unis consomment plus d'électricité pour la climatisation que l'ensemble de l'Afrique pour

tous ses besoins. Comme les centrales au charbon produisent une bonne part de notre électricité, il est facile de voir le lien entre la climatisation et le réchauffement.

Q diriez-vous que les Américains sont accros à la clim?

R Quand les gens me posent cette question, je réponds qu'il est possible de soutenir cette thèse en ce qui a trait aux individus. Mais la plus grande dépendance est sociale, car nous avons bâti une société qui dépend de

la climatisation. Et les gens le comprennent bien. Selon les études, le sujet de plainte no 1 des employés de bureau est qu'il fait trop froid dans l'immeuble, surtout durant l'été. Les gens sont donc insatisfaits de leur environnement thermique au travail. Je pense que c'est le meilleur endroit pour fomenter une petite révolution et réclamer que les patrons adoptent de meilleures méthodes pour maintenir une température confortable dans leurs édifices.

Q Quels changements conseillez-vous à vos compatriotes pour mettre un terme à leur dépendance à la clim dans leur maison ?

R Je ne conseille pas un sevrage complet. On peut cependant commencer par changer le modèle que l'on trouve dans le sud des États- Unis et dans le Midwest, où les gens n'ouvrent jamais leurs fenêtres. Ils se contentent de régler leur thermostat pour la climatisation au début de l'été et pour la chaleur au début de

l'hiver. Ils devraient ouvrir leurs fenêtres au début et à la fin de la belle saison, ou se contenter de climatiser une ou deux pièces plutôt que toute leur maison.

QVous parlez du sud des États-Unis. La climatisation n'a-t-elle pas eu un impact énorme sur le peuplement des États de la Sun Belt, cette région qui s'étend de la Floride jusqu'au sud de la Californie ?

R Le déplacement de la population des États de la Rust Belt (Pennsylvanie, Ohio, Indiana et Michigan) la Sun Belt a coïncidé avec la prolifération des climatiseurs. Et cela se poursuit de façon ininterrompue depuis 50 ans. L'impact économique de ce phénomène est énorme: depuis 1970, 70% de la croissance économique du pays

a eu lieu dans le Sud ou le Sud-Ouest.

Q Vous écrivez même que George W. Bush peut remercier la climatisation pour sa victoire à la Maison-Blanche...

R C'est une thèse que je défends dans mon livre, même s'il est parfois imprudent de se livrer à ce genre d'analyse. Mais le fait est que la climatisation a contribué à accroître le poids démographique et politique du sud des États-Unis. Avant 1960, aucun ticket présidentiel gagnant ne comportait de candidat du Sud. Après 1960, presque tous les tickets gagnants en avaient un.