Les médecins américains qui assistaient aux interrogatoires de la CIA après le 11-Septembre réunissaient des données médicales permettant d'affiner les méthodes de torture, une pratique qui s'apparente à de l'«expérimentation humaine», selon une organisation.

«Il y a des preuves que les médecins calibraient la douleur infligée par les techniques d'interrogatoire et cherchaient à améliorer leurs connaissances sur ces techniques», a expliqué lors d'une conférence de presse Nathaniel Raymond, un responsable de Physicians for Human Rights (PHR, Médecins pour les droits de l'homme), qui a publié lundi un rapport intitulé «expérimentations dans la torture».

«Il ne s'agit pas de logique à la Jack Bauer (l'agent spécial de la série «24 heures chrono», ndlr), mais de médecins qui recueillent des données utilisées pour déterminer si ce qu'ils observent rentre dans la définition de la torture» telle qu'elle a été établie par le ministère de la Justice de George W. Bush, a-t-il poursuivi.

Les auteurs du rapport ont appelé à une enquête exhaustive sur les pratiques autorisées contre les suspects de terrorisme sous l'administration Bush. Mais, comme d'autres organisations de défense des droits de l'homme, ils ont reconnu ne pas trouver «une volonté politique au Congrès ni dans l'administration de prendre en mains ces questions».

Interrogé par l'AFP, la CIA a assuré que le rapport était «simplement faux». La CIA n'a pas mené de recherches sur des sujets humains ou des groupes de détenus dans le cadre de son ancien programme de détentions», a déclaré George Little, un porte-parole de l'agence de renseignement, rappelant que ce programme avait fait l'objet de plusieurs enquêtes internes.

Pour établir le rôle joué par les médecins de la CIA dans l'amélioration de l'efficacité des techniques infligées aux détenus, PHR s'est appuyé sur des documents publics révélés depuis 2008, dont une série de notes internes qui ont attesté l'usage répété de la torture contre certains détenus enfermés dans les prisons secrètes de la CIA.

Les États-Unis ont théorisé au lendemain du 11-Septembre une liste de «techniques d'interrogatoires améliorées» que le ministère de la Justice a par la suite justifiées au plan légal en limitant l'appellation torture à «une souffrance mentale ou physique sur le long terme équivalente à la douleur ressentie lors de la défaillance d'un organe ou la mort».

Concrètement, PHR démontre dans son étude que les médecins ont par exemple observé que la simulation de noyade - qui a été pratiquée des dizaines de fois sur au moins deux détenus -, si elle était répétée trop souvent avec de l'eau simple comportait des risques que le détenu attrape une pneumonie. Ils ont donc recommandé le recours à une solution saline.

La différence entre la simulation de noyade pratiquée au tout début, à partir d'expériences ponctuelles sur des soldats volontaires, et après l'intervention des médecins «indique que les médecins de la CIA ont participé à la modification de la technique», affirme PHR.

De même, dit l'organisation, les médecins ont «analysé les données récupérées lors des interrogatoires de 25 détenus soumis à une combinaison de ''techniques d'interrogatoire améliorées''» et ont estimé que celle-ci ne comportait pas de contre-indications médicales majeures.

Parmi les techniques les plus connues, figure la privation de sommeil, la nudité forcée, le ligotage pendant des heures dans des positions inconfortables ou encore l'exposition à des températures extrêmes.