«Elle fait honneur au Liban»: le nom de Rima Fakih, la nouvelle Miss USA, était mardi sur toutes lèvres dans son village natal de Srifa, où ses proches balayent les rumeurs sur un lien entre sa famille et le Hezbollah chiite, bête noire des États-Unis.

Dans sa maison de deux étages, la tante paternelle de Rima, Afifa Fakih Saïd, distribue des baklavas et du café aux voisins venus la féliciter pour la victoire de l'enfant du pays.

Une grande photo de celle qui, il y a quelques jours, était encore Miss Michigan trône dans le salon. Afifa montre fièrement aux visiteurs la une des journaux locaux avec la photo de Rima, 24 ans, le sourire éclatant.

«Une Miss États-Unis made in Lebanon», «la plus belle des Américaines (...) une Libanaise», peut-on y lire.

«Elle nous fait honneur, elle fait honneur au sud du Liban», clame Afifa.

Pour cette sexagénaire voilée, le fait que sa nièce, issue d'une famille chiite et d'une région du Liban, le Sud, connue pour son anti-américanisme, soit apparue en bikini dans un pays critiqué par le Hezbollah, n'a rien d'anormal.

«Les Occidentaux nous décrivent, nous les chiites, comme des terroristes et des assassins. Ce n'est pas vrai: nous aimons la vie, l'amour, la beauté et surtout la beauté de l'âme», assure-t-elle.

Dénoncée par les blogueurs américains

Sur l'internet, certains blogs américains ont dressé un portrait au vitriol de cette belle brune diplômée en économie qui a émigré à l'âge de sept ans avec ses parents, sa soeur Rana et ses deux frères.

«Miss USA, Rima Fakih: une terroriste en bikini?», titre le journal en ligne Politics Daily.

«Beaucoup de proches de Mlle Fakih sont des terroristes importants du Hezbollah et certains sont même tombés en «martyrs» face à Israël», écrit Debbie Schlussel, sur son blog connu pour sa tendance conservatrice. Ou encore «C'est confirmé: le terrorisme islamique a financé la participante au concours de Miss USA».

«C'est une journée noire pour l'Amérique», lit-on sur le site du «Jewish Internet Defense Force», une organisation pro-israélienne.

Notre famille «n'a aucune tendance politique, aucun lien avec des partis politiques», indique Afifa.

«Son père leur a appris à ne pas faire de différence entre chrétiens et musulmans. Nous sommes une famille très ouverte», explique cette femme qui parle couramment français et anglais.

Rima, qui veut devenir avocate et adore voyager, courir et danser, a été scolarisée dans une école catholique de New York et a expliqué aux organisateurs du concours que sa famille célébrait aussi bien les fêtes musulmanes que chrétiennes.

Elle crée toutefois une première: son père, qui a refusé au départ qu'elle participe à un concours de beauté, s'est écrié à sa victoire: «c'est la première chiite qui porte ce titre dans la nation la plus puissante au monde!», raconte sa soeur Rana.

«Nous sommes Libanais et Américains. Aux États-Unis, personne ne vous demande si vous êtes chiite ou sunnite, nous vivons tous sous la loi américaine», dit-elle.

Peu importe donc les rumeurs, le président de la République Michel Sleimane a déjà félicité la belle et les proches et les habitants du village sont ravis.

«La région de Srifa a connu plusieurs secousses ces dernières années, mais l'élection de Rima est un tremblement de terre à l'échelle mondiale!», s'exclame Ibrahim Saïd, mécanicien.

Un commentaire du Hezbollah? Un journaliste qui interviewait mardi matin un député du parti n'a pas pu s'empêcher de poser la question.

«Les critères selon lesquels nous jugeons la valeur de la femme sont différents de ceux de l'Occident», a affirmé Hassan Fadlallah, sans plus de commentaires.

Photo: AFP

Rima Fakih (à gauche) en vacances avec sa famille en 1996.