Neuf jours après l'explosion d'une plateforme pétrolière dans le golfe du Mexique, le groupe britannique BP et les garde-côtes américains sont toujours incapables de colmater une fuite qui pourrait engendrer une des pires marées noires de l'histoire des États-Unis.

Les autorités américaines ont donné le feu vert hier à un plan de BP consistant à brûler une partie de la nappe de pétrole qui menace les côtes bordant le golfe, mais le succès d'une telle opération est incertain.  

Environ 159 000 litres de pétrole par jour s'échappent d'un puits endommagé par l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon, qui était exploitée par BP. La nappe, dont la circonférence atteint 965 km, se trouve à une trentaine de kilomètres des côtes de la Louisiane et de leur écosystème fragile.

Selon les garde-côtes américains, la marée noire pourrait atteindre le littoral de la Louisiane dès le week-end, une perspective qui effraie les environnementalistes.

«C'est un des pires désastres écologiques que le Golfe du Mexique ait connu», a déclaré Aaron Viles, directeur du Gulf Restoration Network, organisation de défense de l'environnement à La Nouvelle-Orléans. «La marée noire menace l'estuaire du Mississippi, d'où proviennent 30% des fruits de mer consommés aux États-Unis. Ce sont les marais de cette région, avec leurs huîtres, leurs crabes et leurs crevettes, qui ont donné naissance à la cuisine de La Nouvelle-Orléans.

«Nous sommes également inquiets de l'impact que la nappe a déjà sur la vie marine dans la zone où se trouvait la plateforme», a ajouté Viles lors d'un entretien téléphonique.

La marée noire pourrait également atteindre les côtes et les plages de la Floride, de l'Alabama et du Mississippi.

Dans le pire des scénarios, il pourrait s'écouler de deux à trois mois avant que le puits, situé à 1 500 mètres de profondeur, ne soit bouché de façon définitive, selon les garde-côtes. Si tel était le cas, les États-Unis pourraient connaître une des plus graves marées noires de leur histoire. Mais celle-ci demeurerait relativement modeste par rapport à la pire marée noire de l'histoire du pays, provoquée par le naufrage du pétrolier américain Exxon Valdez dans la baie du Prince-William, au large de l'Alaska, en mars 1989.

«L'Exxon Valdez a déversé 11 millions de gallons de pétrole», a rappelé Nancy Kinner, membre du Groupe de recherche environnemental à l'Université du New Hampshire, lors d'une entrevue téléphonique. «En ce qui concerne la fuite dans le golfe du Mexique, on parle de 42 000 gallons par jour (un gallon représente 3,78 litres). À ce rythme-là, il faudrait que le pétrole s'échappe du puits pendant 11 mois pour que l'accident puisse être comparé à celui de l'Exxon Valdez. Cela dit, il s'agit d'une fuite importante.»

Feux «restreints»

Les conditions météorologiques se prêtaient hier à la mise à feu de la nappe de pétrole, le vent s'étant calmé. Selon le plan présenté dans un communiqué de BP, des bateaux devaient d'abord comprimer le pétrole en l'entourant d'un barrage flottant d'environ 150 mètres de long.

«Ce pétrole sera ensuite déplacé vers une zone plus éloignée, où il sera enflammé et brûlera de manière maîtrisée, a-t-on pu lire dans le communiqué. Le plan consiste en des feux restreints et maîtrisés de plusieurs milliers de gallons de pétrole qui devraient durer environ une heure chacun.»

Malgré cette opération, les garde-côtes s'attendent à ce que la nappe de pétrole ait un impact sur le littoral.

«Il est encore trop tôt pour dire si cet impact sera catastrophique», a déclaré la contre-amirale Mary Landry, responsable des garde-côtes de La Nouvelle-Orléans, lors d'une conférence de presse. «Je dirais que la situation est très sérieuse.»

La plateforme Deepwater Horizon a coulé jeudi dernier, deux jours après une explosion et un incendie qui ont probablement coûté la vie à onze personnes, dont les corps n'ont pas encore été trouvés.

Conséquences politiques

L'impact politique de l'accident se fait déjà sentir aux États-Unis, où la question du forage en mer suscite la controverse dans plusieurs États, y compris la Floride. Le gouverneur de cet État, Charlie Crist, a indiqué cette semaine qu'il était en train de réexaminer sa position en faveur du forage en mer à la suite de la fuite dans le golfe du Mexique.

«Si cela ne fait pas réfléchir quelqu'un, il y a quelque chose qui cloche», a-t-il déclaré.