Hank Skinner est vivant mais «il y a encore beaucoup d'étapes à franchir» pour le sortir du couloir de la mort au Texas, affirme jeudi à l'AFP sa femme, Sandrine Ageorges-Skinner, une militante française anti-peine de mort déterminée, qui le soutient depuis 10 ans.

Militante anti-peine de mort de longue date, Sandrine Ageorges-Skinner n'a pas pu voir ni entendre son mari depuis qu'il a appris, trois-quarts d'heure avant l'heure fatidique, qu'il ne recevrait pas l'injection mortelle mercredi soir.

Au téléphone quelques heures avant, «je lui ai dit "je suis sûre que tu vas vivre", il a ri et m'a dit, "si tu voyais ce que je vois autour de moi, tu ne dirais pas ça"», raconte-t-elle. «Il était à 3 mètres de la chambre de la mort», où les détenus sont sanglés sur une tablette pour recevoir par intraveineuse un cocktail de poisons qui les endort, les paralyse puis arrête le coeur.

La veille, cette femme de 49 ans aux longs cheveux bruns et au regard décidé avait pu le voir, derrière la vitre de la cage réservée aux condamnés à mort au Texas, et lui parler par l'intermédiaire d'un interphone.

«C'était la première fois depuis 22 mois et ce n'est que grâce à l'intervention de la France auprès des autorités texanes. Je suis toujours interdite de visite», soupire-t-elle, en décrivant sa «vie coupée en deux entre la France et le Texas». «Le Texas est ma deuxième maison, c'est un Etat que j'aime beaucoup, j'y ai rencontré des gens extraordinaires».

Le couple a commencé à correspondre en 1996 et elle a rendu sa première visite au condamné à mort en 2000. «En mai 2008, il m'a demandé qu'on se marie». Mais là encore, les deux époux n'ont pas été réunis, l'officialisation s'est faite par procuration.

«La seule occasion où je pourrai le toucher, ce sera après son exécution, aux pompes funèbres, ce qui j'espère, n'arrivera jamais», souffle-t-elle.

Quinze jours après le mariage, «on s'est retrouvés interdits de courrier et interdits de visite». «Ils ne nous aiment pas», résume-t-elle, en mentionnant notamment la méfiance des autorités pénitentiaire face à son engagement international contre la peine de mort.

Enflammée quand elle fustige la «justice corrompue» du Texas, «une justice politique qui nécessite des résultats et de la rapidité», son ton se pondère pour évoquer la difficulté d'aimer quelqu'un enfermé derrière les barreaux, qui plus est dans le couloir de la mort. «Ca ne change rien, quoiqu'il arrive, on est toujours ensemble, la mort n'est pas une fin en soi».

Elle dit ne pas avoir été surprise par l'ordre mercredi in extremis de la Cour suprême d'arrêter l'exécution de Hank Skinner mais «déçue» que la Cour se soit encore donné du temps pour déterminer si elle examinera la requête du condamné à mort sur le fond.

Hank Skinner demande que des tests ADN soient pratiqués sur les éléments relevés sur la scène du triple meurtre, en 1993, de sa compagne et des deux fils de celle-ci afin de démontrer son innocence. Le Texas les lui refuse au motif qu'un jury l'a déclaré coupable des meurtres en 1995.

Si la plus haute juridiction des Etats-Unis décide de se saisir, ce sera pour déterminer si les Etats sont tenus par la Constitution de pratiquer des tests ADN après procès, au moins dans les cas engageant la peine capitale.

«Se retrouver quinze ans après avec des scellés qui n'ont toujours pas été testés !», s'emporte Mme Ageorges-Skinner.