Alexander Haig, décédé samedi à 85 ans, restera dans les mémoires américaines non pas pour sa riche carrière dans l'ombre de Kissinger et Nixon, mais pour une phrase malheureuse prononcée le jour de la tentative d'assassinat de Ronald Reagan: «je contrôle la situation».

Le 30 mars 1981, le président Reagan se fait tirer dessus à la sortie d'un hôtel de Washington. Il est immédiatement transporté à l'hôpital. Le vice-président, George Bush père, est en déplacement et difficilement joignable, la Maison Blanche en plein chaos.

De hauts responsables américains craignent qu'il s'agisse d'un complot ourdi par l'Union soviétique ou pire, que Moscou ne profite de la situation pour envahir l'Europe.

Haig, alors secrétaire d'Etat, affronte les caméras de télévision. «Selon la constitution, il y a le président, le vice-président et le secrétaire d'Etat, dans cet ordre. Et si le président décide de passer la main au vice-président, il le fera», dit-il. «Pour l'instant, je contrôle la situation ici, à la Maison Blanche, en attendant le retour du vice-président.»

Or, en cas de décès, de démission ou d'incapacité du président, la ligne de succession place d'abord le vice-président, suivi du président de la Chambre des représentants et du sénateur le plus âgé du parti au pouvoir. Al Haig fera l'objet de moqueries pendant des mois pour avoir paru vouloir outrepasser sa fonction.

La mort du général Haig a été confirmée par un porte-parole de l'hôpital Johns Hopkins de Baltimore (Maryland, est) où il avait été admis le 28 janvier. La cause du décès n'était pas connue dans l'immédiat.

Né le 2 décembre 1924 à Philadelphie (Pennsylvanie, est), il étudie à l'école militaire de West Point. Sa bravoure lors des guerres de Corée et du Vietnam lui vaudra plusieurs médailles et une promotion au rang de général.

En 1969, il rejoint l'équipe du conseiller à la sécurité, Henry Kissinger.

Haig «a mis de la discipline dans mes tendances anarchiques et permis la cohésion d'une équipe talentueuse», racontera Kissinger en 1982.

«Haig était impitoyable dans sa manière d'écarter tous ceux (à la Maison Blanche) qui risquaient de lui faire concurrence pour obtenir mon attention», écrira-t-il encore.

Haig continue de monter les échelons et devient secrétaire général de la Maison Blanche en 1973-74.

Pendant des années, les spécialistes ont été persuadés que c'était lui qui se cachait derrière «Gorge profonde», l'informateur qui a permis au Washington Post de révéler le scandale du Watergate, contraignant Nixon à la démission en 1974, jusqu'à ce qu'un officier du FBI, Mark Felt, se dénonce en 2005.

Haig aidera à assurer une transition en douceur entre Nixon et Gerald Ford, mais ne parviendra pas à obtenir une amnistie pour son ancien patron.

Sa carrière se poursuivra à la tête des forces de l'Otan en Europe puis en tant que secrétaire d'Etat de Ronald Reagan, ce qui l'amène à effectuer sans succès une mission de bons offices entre Londres et Buenos Aires après l'invasion des îles Malouines par l'Argentine.

Il démissionne en juillet 1982, marquant son désaccord avec une politique étrangère qu'il juge incohérente.

Tentant un retour en politique, il échouera lors de l'investiture républicaine au profit de George Bush père, en 1987.

Ses détracteurs adoraient se moquer de sa rhétorique parfois alambiquée, comme dans cette phrase restée fameuse: «Ce n'est pas un mensonge. C'est une inexactitude terminologique, ou en d'autres termes, une déformation tactique».