Un an après la signature par le président américain Barack Obama du décret ordonnant la fermeture de Guantanamo dans les 12 mois, 50 détenus pourraient rester indéfiniment enfermés, sauf si des juges civils en décident autrement.

Le groupe de travail interministériel chargé de revoir la situation individuelle de chaque détenu de Guantanamo a dressé la liste d'une cinquantaine d'hommes jugés trop dangereux pour être libérés et contre lesquels le gouvernement ne peut pas organiser un procès pour crimes de guerre, a révélé vendredi le quotidien The Washington Post. Barack Obama avait prévenu au mois de mai que certains détenus seraient placés en détention illimitée avec un réexamen régulier de leur situation. Il a annoncé mi-décembre l'achat d'une prison dans l'Illinois (nord) pour les accueillir.

Mais, depuis une décision de la Cour suprême en juin 2008, la détermination finale de qui peut être raisonnablement considéré comme un «combattant ennemi», c'est-à-dire qui peut être détenu en vertu de la loi de la guerre, revient à une quinzaine de juges fédéraux à Washington.

Dans une procédure au civil appelée Habeas corpus et fondatrice du droit anglo-saxon, les prisonniers de Guantanamo peuvent en effet demander à un juge indépendant de vérifier le bien-fondé de leur détention.

En l'absence de règles établies, les juges se retrouvent donc propulsés principaux artisans d'une définition de la notion de «combattant ennemi», affirment vendredi trois chercheurs de la Brookings Institution à Washington vendredi.

«La décision du président Obama de ne pas faire voter une loi autorisant la détention illimitée signifie que, pour le meilleur et pour le pire, des juges vont écrire les règles gouvernant la détention militaire des suspects de terrorisme», expliquent Benjamin Wittes, Robert Chesney et Rabea Benjamin dans une étude sur les 41 jugements en Habeas corpus déjà rendus.

Or, remarquent-ils, jusqu'à présent «certains détenus libérés par un juge auraient été jugés légalement détenus par un autre».

Les «combattants ennemis» sont-ils membres d'Al-Qaeda ou ont-ils simplement soutenu le réseau ? Un simple «soutien» peut-il justifier à lui seul la détention ou faut-il qu'il soit «important» ? Qui du gouvernement ou du détenu doit prouver qu'une déclaration a été faite sous la contrainte ?

Autant de questions auxquelles, selon les chercheurs, chacun des juges répond à sa manière.

«L'administration Bush nous a donné quatre définitions pour +combattant ennemi+, l'administration Obama une autre, la plupart d'entre nous a adopté une définition mais j'ai un juge renégat qui prend une autre définition», avait confirmé mi-décembre lors d'une conférence le juge fédéral Royce Lamberth qui coordonne l'action de ses confrères.

L'incohérence qui a pu régner jusqu'à aujourd'hui devrait s'amenuiser à mesure que les dossiers seront visés en appel et éventuellement par la Cour suprême, tempèrent cependant les chercheurs.

Et dans l'immédiat, une idée générale ressort: qu'ils aient été nommés par un président démocrate ou républicain, les juges ont massivement innocenté les détenus de tout acte de terrorisme. Sur 41 dossiers examinés au total, neuf détenus seulement ont été maintenus en détention.

Plusieurs avocats de la défense interrogés par l'AFP insistent de leur côté sur le fait que les juges se font une idée à l'épreuve des faits. Ils rappellent les multiples fois où, de gauche comme de droite, ils ont fustigé l'«insignifiance» des éléments à charge présentés par le gouvernement.