Son ascétisme est remarquable, même pour un militaire: il ne prend qu'un repas par jour, en soirée, et ne dort que quatre ou cinq heures par nuit, des habitudes qui ne l'empêchent pas d'interrompre ses journées de travail pour se livrer à une séance de jogging de 12 km.

Son intellectualisme n'étonne pas moins chez un ancien ranger rompu à la chasse aux insurgés d'Irak et d'Afghanistan. Diplômé de West Point et de Harvard (en relations internationales), il possède une vaste bibliothèque privée où l'auteur de Jules César, William Shakespeare, côtoie Stanley Karnow, dont l'oeuvre maîtresse, Vietnam: A History, retrace le plus grand échec militaire des États-Unis.

 

Cet homme - Stanley McChrystal - est aujourd'hui le chef de guerre opérationnel le plus important de l'Occident. C'est à sa demande que Barack Obama a donné le feu vert au déploiement de 30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan, une décision qui pourrait définir sa présidence. Et c'est à lui que le chef de la Maison-Blanche a confié la mission de «mettre un terme avec succès» à la guerre dans ce pays.

Six mois après avoir été nommé commandant des forces américaines et alliées en Afghanistan, le général quatre étoiles, grand et mince comme un fouet, se trouve donc propulsé sur le devant de la scène, un rôle inédit pour ce guerrier d'élite habitué à manoeuvrer dans l'ombre. Né dans une famille de militaires (son père, Herbert, a également été général), Stanley McChrystal a fait toute sa carrière dans les forces spéciales. Lors de son premier séjour en Afghanistan - de novembre 2001 à juillet 2002 - il était chef d'état-major du corps expéditionnaire américain.

Il est par la suite passé en Irak, où il a été patron des forces spéciales de septembre 2003 à juin 2009. À ce titre, il a joué un rôle clé dans l'élimination du Jordanien Abou Moussab al-Zarkaoui, chef d'al-Qaeda en Irak, tout comme dans le démantèlement des cellules locales du groupe terroriste.

Le nom du général a fait surface dans deux controverses d'importance - l'attribution posthume d'une Silver Star au caporal Pat Tillman, ex-star du football américain abattu en Afghanistan par des tirs amis, et l'implication de membres des forces spéciales dans des mauvais traitements infligés à des prisonniers en Irak.

Exonéré de tout blâme dans ces affaires, Stanley McChrystal a été promu à son commandement actuel par le président Obama, qui lui a vite demandé de lui proposer une nouvelle stratégie en Afghanistan. Cette stratégie mettra l'accent non plus sur la chasse aux talibans dans les montagnes et les déserts du pays, mais plutôt sur la protection de la population des zones urbaines, «autant contre l'ennemi que contre le mal que nos armes peuvent lui infliger involontairement», a écrit le général américain dans un rapport remis à la fin du mois d'août au secrétaire à la Défense, Robert Gates.

Une partie des renforts envoyés en Afghanistan va entraîner les forces de sécurité locales - un défi majeur dans un pays où l'analphabétisme est répandu -, et le reste sera déployé principalement dans les provinces du Sud et de l'Est, où l'insurrection des talibans est la plus violente.

Le général McChrystal se plaît à dire que l'élimination des talibans fait partie des objectifs les moins importants des soldats de l'OTAN en Afghanistan. Il dit préférer s'en faire des amis que de les tuer.

«Les Pachtounes sont un peuple pratique», a-t-il dit récemment à un journaliste du New York Times. «Ils se font un devoir d'éviter les inimitiés permanentes. Ils ont toujours été prêts à changer de position, à changer de côté. Je ne pense pas que le mouvement taliban soit inspiré dans son ensemble par l'idéologie. Je pense qu'ils sont motivés par des questions pratiques. Et je ne suis pas sûr qu'ils ne seraient pas prêts à s'entendre avec nous.»

Dans une allocution aux députés afghans, le général McChrystal a promis que la nouvelle stratégie américaine ne tarderait pas à connaître des succès. «Dès le début du mois prochain, nous allons commencer à renforcer la sécurité dans des zones où nous n'avons pas encore été en mesure d'aller, faute de forces suffisantes. Je pense que, d'ici à l'été prochain, vous constaterez d'importants progrès en matière de sécurité. Dans un an, je serai en mesure de vous dire si notre stratégie est vraiment efficace.»

D'ici là, le général sera peut-être obligé d'écourter ses nuits de sommeil d'une heure ou deux.