Républicains et démocrates du Congrès ont accepté mercredi de lever l'interdiction totale de transfèrement des détenus de Guantanamo sur le sol américain, donnant une marge de manoeuvre supplémentaire à Barack Obama pour la fermeture de la prison.

Dans deux projet de loi différents, l'un sur le budget 2010 de la Sécurité intérieure, l'autre sur celui de la Défense, les conférences bipartites chargées d'établir un texte de compromis avant l'adoption finale de la loi ont ouvert la porte à la venue de détenus dans des prisons américaines.

Le texte sur la Sécurité intérieure «interdit que les actuels détenus soient transférés aux Etats-Unis (...) sauf pour y être jugés et seulement après que le Congrès ait reçu un plan détaillé» des risques encourus.

Moins précis, le projet de loi sur le budget de la défense exige qu'«avant tout transfèrement vers les Etats-Unis, le président fournisse un plan complet au Congrès au moins 45 jours avant».

Les deux conférences en revanche «interdisent» purement et simplement qu'aucun détenu de Guantanamo ne soit «libéré» sur le sol américain, une question qui est aujourd'hui devant la Cour suprême.

La prison de Guantanamo renferme encore 223 détenus, parmi lesquels près de 80 attendent d'être libérés et une petite soixantaine pourraient être jugés.

Alors que l'administration américaine annonce depuis une dizaine de jours qu'elle ne parviendra probablement pas à fermer la prison, objet de toutes les controverses, comme promis en janvier 2010, le Congrès lui fait pour la première fois une concession dans ce domaine.

Porté par les républicains mais aussi de nombreux démocrates, le principe baptisé «pas de terroristes dans mon arrière-cour» avait jusqu'ici dominé, à l'approche de la campagne pour les élections de 2010. Sénateurs et représentants du Kansas (centre) s'étaient ainsi montré farouchement opposés à la venue, envisagée un temps, de détenus dans une des prisons de cet Etat.

En juin, le gouvernement avait donc reçu l'interdiction de transférer le moindre détenu de Guantanamo dans une prison américaine, fut-elle de haute-sécurité.

Plusieurs experts avaient critiqué l'attitude «irresponsable» du Congrès, les prisons américaines abritant de nombreux détenus soupçonnés ou condamnés pour terrorisme, comme le Français Zacharias Moussaoui qui purge dans le Colorado (ouest) une peine de prison à perpétuité.

L'adoption finale de ces textes et leur transformation en loi représentera donc une victoire pour le président américain. Mais elle ne mettra pas fin à la longue épreuve de la fermeture de Guantanamo pour autant.

En limitant la portée de l'accord aux détenus qui doivent être jugés, le Congrès en effet ne dit rien de la petite centaine d'entre eux que l'administration ne peut pas poursuivre devant les tribunaux mais ne veut pas relâcher car elle les juge trop dangereux.

Il ne dit rien non plus du devenir à court terme des dizaines d'hommes innocentés qui attendent parfois depuis des années d'être accueillis par un pays tiers parce qu'ils redoutent des persécutions dans leur pays d'origine.

Le mystère reste en outre entier sur le sort de ceux qui seraient acquittés après avoir été jugés aux Etats-Unis.

Sans compter que des élus restent opposés à la venue de détenus sur le sol américain, comme le représentant républicain Hal Rogers qui avait fait adopter la semaine dernière un amendement interdisant la venue de détenus par 258 voix contre 163, --soit avec la faveur de 88 représentants démocrates-- et s'est dit mercredi «très préoccupé».