Le système carcéral californien craque de partout. Aujourd'hui, l'État le plus populeux des États-Unis dépense plus d'argent pour détenir ses 168 000 prisonniers que pour faire fonctionner son réseau d'universités. Un bourbier dont le gouverneur semble incapable de s'extirper, rapporte notre correspondant.

Les premiers signes du chaos qui a englouti le centre correctionnel de Chino, le 8 août dernier, sont d'abord apparus sur l'internet.

«Des prisonniers lancent des objets aux gardes», a annoncé un usager du réseau Twitter peu après 20h (heure locale).

«Des incendies sont allumés et ne sont pas maîtrisés, a dit une seconde source. Les émeutes ont lieu dans l'aile de sécurité maximale de la prison.»

Ce soir-là, des images d'enregistrements vidéo amateurs retransmises aux informations télévisées montraient des flammes qui s'élevaient au-dessus de cette prison surpeuplée, en banlieue de Los Angeles.

Rob Wyatt, l'un des premiers pompiers arrivés sur place, a été accueilli par une scène de chaos. «Il y avait des choses éparpillées partout... C'était stressant. Nous

avions deux gardes armés pour protéger le périmètre où nous travaillions.»

Un système en crise

L'émeute, la pire à survenir dans cet établissement de 6000 détenus, opposait les Latino-Américains et les Noirs. Plus de 250 prisonniers ont été blessés, et 55 ont été hospitalisés.

Le lendemain matin, la direction de la prison a constaté l'étendue des dégâts. L'endroit semblait avoir été frappé par une catastrophe naturelle. Un gymnase transformé en dortoir a été complètement saccagé. Les matelas éventrés et brûlés gisaient par terre. Dans les toilettes, les lavabos avaient été arrachés un par un. Ils étaient en miettes, sur les planchers recouverts d'eau boueuse et de sang.

Au centre correctionnel de Chino, comme dans les autres prisons californiennes, le problème de surpopulation est criant. Ouvert dans les années 30, le pénitencier a été conçu pour 3000 détenus. Aujourd'hui, ils sont plus du double dans l'établissement, dont les gymnases ont été transformés en dortoirs de fortune.

Un rapport dévoilé ce mois-ci par le California State Auditor montre que le système carcéral californien est en crise.

«L'explosion des problèmes du système correctionnel - la surpopulation, le vieillissement des prisonniers, les coûts du personnel - est difficile à circonscrire en raison du manque d'information», peut-on y lire.

Loi des trois prises

L'une des causes de l'engorgement du système californien est la fameuse loi des «trois prises»: après la troisième arrestation, les criminels sont automatiquement condamnés à la prison à vie. Cette mesure s'applique autant aux revendeurs de drogue et aux tueurs qu'à ceux qui sont arrêtés pour avoir volé une pinte de lait.

Résultat: près de 25% des prisonniers en Californie sont détenus en raison de la loi sur les «trois prises».

Selon l'analyste politique David Dayen, ce sont des changements aux lois et l'attitude «dure à cuire» des politiciens californiens qui ont provoqué la crise.

«Les prisons californiennes faisaient autrefois l'envie de tout le pays, note-t-il. Or, des politiciens qui voulaient se bâtir une réputation de "durs envers les criminels" ont pris les leviers de l'État, adopté plus de 1000 nouvelles lois entraînant des peines de plus de 30 ans, et le système est rapidement devenu engorgé.»

Au début des années 80, l'État comptait 20 000 prisonniers. Aujourd'hui, il y en a près de 170 000.

«La surpopulation rend la réadaptation impossible. Les petits criminels se radicalisent, les droits des détenus sont bafoués, les soins médicaux sont refusés, explique M. Dayen. Et les coûts du système explosent à chaque détour.»