La sombre mise en garde d'un général qui escompte plus de soldats pour l'Afghanistan place le président américain Barack Obama dans une situation délicate, entre ses engagements ultérieurs, les attentes de son état-major et le scepticisme grandissant de son opinion.

Dans un rapport, le général américain Stanley McChrystal a prévenu: sans renforts, les forces internationales et américaines qu'il commande en Afghanistan vont à l'échec. Ce rapport est depuis quelque temps sur le bureau de M. Obama, qui compte s'en servir pour revoir la stratégie américaine en Afghanistan et décider d'y envoyer éventuellement plus de soldats. Le document était censé rester confidentiel. Sa publication lundi par le Washington Post ajoute un élément explosif à un débat qui va s'intensifiant sur l'envoi de renforts et sur la guerre elle-même, de plus en plus impopulaire aux États-Unis.

La Maison-Blanche a signifié clairement qu'elle ne se laisserait pas brusquer, que M. Obama prendrait de nombreuses semaines avant de dire s'il dépêche des hommes en plus des 21 000 dont il a annoncé le déploiement en début d'année et qui doivent porter le contingent américain à 68 000.

Sur les chaînes américaines, M. Obama a expliqué dimanche que, ce qui lui importait, c'était d'abord de trouver la bonne stratégie, puis de déterminer les besoins en hommes en fonction de cette stratégie, non pas l'inverse.

Si la pertinence de cette stratégie «peut être démontrée à un public sceptique - en d'autres mots à moi-même, qui suis quelqu'un qui pose toujours des questions difficiles quand il s'agit de déployer des soldats - alors nous ferons ce qu'il faut pour protéger les Américains», a-t-il dit, faisant référence à l'objectif premier de la mission: empêcher la préparation en Afghanistan de nouveaux attentats comme ceux du 11-Septembre.

M. Obama risque cependant d'affronter les courants contraires.

Son chef d'état-major, l'amiral Michael Mullen, vient de dire que des renforts seraient probablement nécessaires. Et la «fuite» dans la presse du rapport McChrystal pourrait suggérer que certains généraux s'impatientent devant le délai de réflexion de la Maison-Blanche, une impatience confirmée en privé par un responsable de la Défense.

D'un autre côté, l'intensification des combats en Afghanistan après huit ans de guerre, des pertes en vies humaines à un niveau record et une présidentielle afghane entachée par les accusations de fraude compliqueront la tâche de M. Obama s'il doit convaincre les Américains de la nécessité de renforcer les effectifs.

Un sondage pour la chaîne CNN mettait en évidence la semaine passée que 58% des Américains étaient opposés à la guerre, un record. Et l'opposition gagne chez ses amis démocrates au Congrès.

«Déployer plus de soldats ne signifie pas automatiquement que les Américains seront plus en sécurité», cela pourrait même se révéler «contre-productif», a dit le sénateur Russell Feingold, pour qui M. Obama devrait présenter un «calendrier souple» conduisant à la fin de l'engagement américain.

C'est à des démocrates comme M. Feingold que M. Obama semblait s'adresser dimanche quand il disait qu'il serait «sceptique» sur l'envoi de renforts.

M. Obama a fait une bonne partie de sa notoriété en s'opposant à la guerre en Irak qui, selon lui, a détourné les États-Unis de l'objectif primordial: l'Afghanistan. Il a fait de ce pays la guerre de sa présidence. Or l'idée d'un calendrier de retrait, de plus en plus présente, renvoie M. Obama à ce que son prédécesseur George W. Bush a connu pour l'Irak.