Immigration. Pauvreté. Éducation. Droits civiques. Nommez un sujet et vous pouvez être assuré qu'Edward Kennedy y a laissé son empreinte au cours de sa longue carrière politique, comme l'attestent les quelque 2500 mesures législatives dont il a été l'auteur en tant que sénateur des États-Unis.

Mais, de son propre aveu, un combat a surpassé en importance tous les autres, celui qu'il a livré pour assurer à tous les Américains une couverture médicale.

 

«C'est la cause de ma vie», a-t-il écrit le mois dernier dans l'hebdomadaire Newsweek. «C'est la raison principale pour laquelle j'ai défié la maladie l'été dernier pour prendre la parole à la convention démocrate de Denver - pour apporter mon soutien à Barack Obama, mais aussi pour m'assurer, comme je l'ai dit, que «nous mettrons fin à la paralysie et garantirons à chaque Américain des soins de santé de qualité».»

Le hasard a voulu que le cancer emporte le sénateur du Massachusetts en plein débat sur une réforme du système de santé dont l'objectif principal est de fournir une assurance maladie à tous les Américains. Alors qu'ils font face à une opposition féroce de la part des républicains, les démocrates ont donné l'impression hier de tabler sur la disparition de Ted Kennedy pour donner un nouveau souffle à leurs efforts.

«En son honneur et en guise d'hommage à son engagement envers ses idéaux, arrêtons les cris et les invectives et ayons un débat civilisé sur la réforme du système de santé qui, je l'espère, débouchera sur une loi qui portera son nom», a déclaré le sénateur démocrate de Virginie-Occidentale, Robert Byrd, dans un communiqué.

«Le rêve de Ted Kennedy d'un système de santé de qualité pour tous les Américains s'accomplira cette année grâce à son rôle d'entraînement et à l'inspiration qu'il a suscitée», a promis, de son côté, la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi.

Edward Kennedy n'aura pas été le premier politicien de sa famille à mourir avant de voir se réaliser un de ses objectifs en matière de santé. Durant les premières années de son mandat présidentiel, son frère John s'était battu pour la mise en place du programme Medicare, l'assurance maladie pour les personnes âgées. Le cadet des Kennedy allait avoir l'occasion, sous Lyndon Johnson, de contribuer à la réalisation de ce projet.

Mais le programme Medicare n'était qu'un début aux yeux du sénateur du Massachusetts. Après avoir jeté en 1966 les fondements d'un réseau national de centres de santé communautaires, il s'était attaqué en 1970 au grand chantier de sa vie, sur lequel les présidents Theodore Roosevelt et Harry Truman s'étaient déjà cassé les dents. Tout républicain qu'il était, le président de l'époque, Richard Nixon, s'était montré ouvert au projet de loi du démocrate qui prônait une couverture médicale universelle. Mais l'affaire du Watergate devait l'empêcher de concrétiser le rêve du sénateur.

Ted Kennedy allait plus tard justifier sa campagne présidentielle de 1980 par le refus du président démocrate Jimmy Carter de prendre le relais de Nixon dans le dossier de la santé.

En 1994, le sénateur du Massachusetts a pu revenir à la charge en défendant au Congrès la réforme du système de santé proposée par Bill Clinton. L'échec de cette campagne ne devait cependant pas le décourager. À une époque où les démocrates étaient minoritaires, il s'est associé avec la sénatrice républicaine du Kansas, Nancy Kassebaum, afin de permettre à un plus grand nombre d'Américains de conserver leur assurance maladie après un changement d'emploi ou un licenciement. Avec l'aide du sénateur républicain de l'Utah, Orrin Hatch, il a également étendu la couverture médicale à plus de sept millions d'enfants issus de familles à revenus modestes.

Mais la politique des petits pas ne lui semblait plus acceptable à une époque où le nombre d'Américains non assurés est passé à 48 millions et où les coûts du système continuent à grimper en flèche.

«Nous devons réussir là où Teddy Roosevelt et tous les autres depuis ont échoué, a-t-il soutenu dans l'hebdomadaire Newsweek. Les conditions sont meilleures que jamais.»