Une ritournelle familière a fait son retour parmi les décideurs à Washington, après le voyage en Corée du Nord de l'ancien président américain: «Que faire de Bill Clinton?».

Sa mission de sauvetage réussie de deux journalistes américaines et son tête-à-tête avec le dictateur Kim Jong-il ont ramené l'ex-président (1993 à 2001) sous les feux de la rampe. Mais l'épisode a également relancé le débat pour savoir quelle place Bill et Hillary Clinton peuvent prendre dans l'Amérique de Barack Obama.

La décision du président de demander à son ancienne rivale des primaires de devenir sa secrétaire d'Etat a stupéfié tout le monde, à commencer par les Clinton. Les opposants à ce choix se sont demandé comment concilier le rôle de Mme Clinton avec celui de son globe-trotteur de mari, ce sexagénaire haut en couleur, dont le carnet d'adresses était susceptible de créer un conflit d'intérêt.

«Quand elle est devenue secrétaire d'Etat, la question était: que va faire Obama de Bill Clinton?», note Julian Zelizer, historien de l'université de Princeton. «La réponse semble aujourd'hui être: se servir de Bill Clinton.»

Même ses détracteurs sont contraints d'admettre que l'ex-président a accompli sa mission à Pyongyang à la perfection, tant sur place avec Kim Jong-il, qu'en faisant preuve d'une grande discrétion à son retour.

Certains observateurs se demandent désormais si l'ex-chef de l'Etat, qui dirige une fondation caritative, obtiendra d'autres missions sensibles.

«(Bill) Clinton a tiré l'administration d'un sérieux pétrin et Obama sera heureux d'avoir de nouveau recours à lui», estime M. Zelizer. Pourrait-il par exemple ouvrir un canal de discussions officieux avec Pyongyang, si le régime communiste décide de revenir à la table des discussions sur son programme nucléaire?

Un tel rôle pourrait toutefois être perçu comme une récompense attribuée à la Corée du Nord pour sa mauvaise conduite et entraver les négociations sur son désarmement, que l'administration Obama souhaite mener à terme.

L'ancien président, qui jouit d'un statut semi-officiel, pourrait aussi ouvrir des portes, fermées à d'autres émissaires américains, au Proche-Orient ou en Birmanie.

Certains estiment au contraire que, vu son profil et ses activités, M. Clinton devrait plutôt se faire oublier. Et Barack Obama, en tant que jeune président démocrate, pourrait voir d'un mauvais oeil son prédécesseur jouer le rôle du vieux sage parcourant la planète.

En outre, Bill Clinton risque aussi de nuire à la mission de sa femme: cette semaine, le séjour de Madame en Afrique a été éclipsé par celui de Monsieur en Corée.

«Personnellement, je pense qu'il s'agit d'un événement sans suite», estime Tom Baldino, professeur de sciences politiques à l'université Wilkes de Pennsylvanie. «Il n'a pas été loin d'éclipser sa femme. Par égard pour elle, il ne peut pas faire cela de façon régulière.»

Pour le meilleur et pour le pire, les époux Clinton forment un lot depuis deux décennies sur la scène politique au plus haut niveau. Ils sont «deux pour le prix d'un», comme le soulignait un slogan de campagne de l'ex-président en 1992.

Dans les bons moments, M. Clinton favorise l'ascension politique de sa femme. Mais souvent, en particulier pendant la campagne présidentielle de 2008 avec ses tirades véhémentes contre les médias, il lui met des bâtons dans les roues.

Sa carrière, marquée par une procédure de destitution liée à ses frasques sexuelles avec Monica Lewinsky à la Maison Blanche, a souvent frôlé la catastrophe avant de redémarrer de manière spectaculaire. Celui que l'on surnomme le «comeback kid» n'en finit pas de revenir.