Le gouvernement américain veut traduire devant un tribunal de droit commun un Afghan, Mohammed Jawad, arrêté alors qu'il était mineur, faisant de lui le deuxième prisonnier de Guantanamo jugé sur le sol américain, selon des documents de justice rendus publics vendredi.

Interpellé en 2002 pour avoir lancé en Afghanistan une grenade sur un convoi américain, le jeune homme avait alors 16 ou 17 ans selon le Pentagone, mais seulement 12 selon le gouvernement afghan et ses avocats.

«À la lumière des nombreux témoignages visuels qui n'étaient pas jusqu'ici disponibles - dont des entretiens filmés - ainsi que des déclarations de tierces personnes», le ministre de la Justice a décidé que l'action en justice se poursuivrait au pénal, explique l'administration à la juge fédérale Ellen Huvelle, chargée du dossier de Mohammed Jawad dans le cadre d'une procédure civile distincte.

Dans cette perspective, l'administration annonce qu'elle considère désormais Mohammed Jawad comme un prisonnier de droit commun et non plus comme un «combattant ennemi». Les détenus de Guantanamo ont habituellement le statut de «combattants ennemis», c'est-à-dire arrêtés puis détenus pour une période illimitée sans procès.

Les procureurs du ministère de la Justice précisent néanmoins qu'aucun transfèrement de M. Jawad n'est à attendre à court terme, notamment parce que «le gouvernement demandera une période de plusieurs semaines pour préparer le dossier pénal de M. Jawad».

Un porte-parole du ministère de la Justice, Dean Boyd, a précisé à l'AFP qu'aucune charge n'avait encore été retenue par un jury fédéral. «Il y a actuellement une procédure au pénal, nous l'accélérons pour décider sur quels chefs d'accusation il peut être amené aux États-Unis» pour comparaître devant un tribunal de droit commun.

Un premier détenu de Guantanamo, le Tanzanien Ahmed Khalfan Ghailani, accusé d'être impliqué dans les attentats en 1998 contre des ambassades américaines en Afrique, a été transféré, présenté à un juge et formellement inculpé devant un tribunal de droit commun de New York début juin.

Mohammed Jawad est au coeur de deux procédures judiciaires distinctes: d'une part il conteste au civil la légalité de sa détention devant la juge Huvelle, d'autre part il est poursuivi devant un tribunal militaire d'exception à Guantanamo pour crime de guerre.

Le cas de ce jeune Afghan a soulevé l'indignation des organisations des droits de l'homme mais aussi d'un procureur militaire chargé de son dossier et qui avait démissionné en 2008 avec fracas, dénonçant le manque d'équité des tribunaux d'exception mis en place par l'ancien président George W. Bush.

Le président Barack Obama a ordonné la fermeture du centre de détention de Guantanamo, qui abrite encore 229 prisonniers, d'ici janvier 2010. Il a néanmoins décidé de maintenir les tribunaux d'exception, très controversés, en en améliorant le fonctionnement au profit de la défense.

Un récent rapport d'étape d'un groupe de travail chargé notamment de déterminer devant quelle juridiction seraient jugés ceux que les États-Unis décident de poursuivre a préconisé que les tribunaux de droit commun soient autant que possible toujours privilégiés.