Interrogé durant quatre heures par un comité d'enquête du Sénat, Alberto Gonzales avait fait l'histoire en répétant 64 fois «Je ne m'en souviens pas».

Survenue en 2007, la séance avait signé l'arrêt de mort de la carrière du ministre de la Justice, incapable d'expliquer pourquoi huit procureurs fédéraux avaient été renvoyés sous sa houlette.

Même les républicains s'étaient retournés contre lui. «Les licenciements ont été menés avec incompétence, a dit le sénateur républicain Tom Coburn à Gonzales. Vous devriez goûter à la même médecine et mettre tout cela dernière vous en démissionnant.»

Quelques mois plus tard, Gonzales, aussi dans l'embarras pour avoir autorisé le gouvernement à torturer les prisonniers faits durant la guerre contre le terrorisme, a donné sa démission.

Aujourd'hui, Alberto Gonzales, grand ami de George W. Bush, fait un retour controversé dans l'actualité. L'Université Texas Tech vient d'annoncer son embauche à titre de professeur de droit. M. Gonzales sera chargé d'expliquer les rouages du pouvoir exécutif à une quinzaine d'étudiants de première année. Il commencera à travailler le 1er août, pour un salaire annuel de 100 000 $.

Dès l'annonce de l'embauche, des étudiants et des universitaires texans ont dénoncé la décision de Texas Tech. Des opposants ont lancé des groupes Facebook contre la nomination d'Alberto Gonzales. Le journal étudiant de Texas Tech, The Daily Toreador, réputé pour ses opinions de droite, a publié un éditorial condamnant l'embauche de l'ex-ministre de la Justice.

«En quittant Washington dans le déshonneur, M. Gonzales n'a pas rempli ses fonctions de ministre de la Justice et n'est donc pas une figure qui peut servir de modèle. Alors pourquoi l'embaucher ?»

Ses opposants font aujourd'hui circuler une affiche sur laquelle figure la photo d'Alberto Gonzales et celle, tristement célèbre, d'un détenu de la prison d'Abou Ghraib, le corps recouvert d'une toile et les mains liées par des fils électriques.

«Vous ne connaissez peut-être pas Alberto Gonzales, mais nous sommes certains que vous connaissez son travail», peut-on y lire.

Selon Steven G. Kellman, professeur de littérature comparative à l'Université du Texas à San Antonio, l'embauche de Gonzales est un exemple de favoritisme.

«Dans la plupart des universités, les nouveaux professeurs sont choisis à la suite d'un appel de candidatures et après avoir été passés en revue par leurs pairs, écrit-il. L'embauche unilatérale de Gonzales constitue une forme d'assistance académique à un fonctionnaire déchu.»

M. Kellman compare l'embauche de Gonzales à «l'embauche de Bernard Madoff pour enseigner l'éthique des affaires».

Ami du recteur

Alberto Gonzales, compagnon de longue date de M. Bush, le servait déjà quand il était gouverneur du Texas. Il a été à ses côtés dès les premières heures de sa présidence.

À titre de conseiller à la Maison-Blanche, puis de ministre à partir de 2005, Gonzalez avait la réputation d'être l'un des conseillers les plus empressés à préparer, à mettre en oeuvre ou à justifier les décisions de l'administration, y compris les plus controversées, comme les méthodes d'interrogatoire des prisonniers de la «guerre contre le terrorisme», considérées comme des actes de torture par leurs détracteurs.

C'est aussi Gonzales qui a établi les modalités de détention des prisonniers à Guantánamo et leur jugement par des tribunaux d'exception, et lui encore qui a autorisé les écoutes secrètes de citoyens américains, un dossier encore controversé.

C'est le recteur de l'Université Texas Tech, Kent Hance, qui lui a offert l'emploi de professeur cet été. M. Hance a récemment dit que Gonzales et lui étaient «de bons amis, depuis les années 80». Le recteur est également proche de George W. Bush.

La vague de commentaires négatifs n'influence pas sa décision, a dit le recteur, «car ils ne proviennent pas des fidèles donateurs» qui financent l'université.