Barack Obama ne ferme pas les yeux sur «l'extrémisme violent» incarné par Al-Qaeda et les autres organisations qui veulent en découdre avec les États-Unis et leurs alliés. C'est «la première chose que nous devons affronter», a déclaré le président américain dans son discours au Caire, faisant écho à une des préoccupations majeures de son prédécesseur.

Aussi, comme George W. Bush, Barack Obama est-il prêt à employer la force pour combattre cette menace, que ce soit en Afghanistan ou au Pakistan. Il en va, selon lui, de la sécurité des États-Unis et de la stabilité des pays où les talibans et les disciples d'Al-Qaeda conspirent contre le pouvoir. Le 44e président américain a également évoqué le lien «inébranlable» entre Israël et son pays, ainsi que ses craintes à l'égard d'un Iran nucléaire, deux autres thèmes chers au 43e président. Mais là s'arrêtent les comparaisons entre les deux hommes.

En fait, si l'on en vient un jour à parler d'une doctrine Obama en matière de politique étrangère, celle-ci aura probablement été ébauchée à l'occasion de ce discours historique à l'adresse de 1,5 milliard de musulmans. Un discours de rupture avec l'ère Bush dans lequel Barack Obama n'a pas prononcé une seule fois les mots «terreur» ou «terrorisme». Un discours marqué au coin de la réconciliation au cours duquel le président américain a renoncé au projet d'imposer une démocratie made in USA au Moyen-Orient ou ailleurs sur la planète.

«Je sais que la promotion de la démocratie a soulevé de la controverse au cours des dernières années, une controverse liée en bonne partie à la guerre en Irak. Permettez-moi donc d'être clair: aucun système de gouvernement ne peut ou ne devrait être imposé à une nation par une autre», a-t-il déclaré.

Dans la vision du monde que le président Obama a présentée au Caire, les États-Unis ne sont donc plus les fiers champions de valeurs transcendantes, mais les humbles partenaires de peuples et de nations qui travaillent de concert pour relever les défis d'une humanité interdépendante.

«Car l'expérience récente nous a enseigné que quand un système financier connaît des ratés dans un pays, la prospérité décline partout. Quand un nouveau virus infecte un humain, tous font face au même risque. Quand une nation tente d'acquérir l'arme nucléaire, le risque d'une attaque nucléaire augmente pour toutes les nations. Quand des extrémistes violents prennent refuge dans un bout de territoire montagneux, des gens sont menacés de l'autre côté de l'océan. Et quand des innocents en Bosnie et au Darfour sont tués, c'est une tache sur notre conscience collective. C'est la responsabilité que nous avons les uns envers les autres», a-t-il déclaré.

Et d'ajouter: «C'est une responsabilité difficile à accepter. Car l'histoire de l'humanité ne manque pas de nations et de tribus qui en ont subjugué d'autres au nom de leurs propres intérêts. Or, en cette nouvelle ère, de telles attitudes sont autodestructrices. Compte tenu de notre interdépendance, tout ordre mondial qui élève une nation ou un groupe de gens au-dessus d'un autre échouera inévitablement.»

Il s'en trouvera sans doute pour attribuer à la naïveté le discours de Barack Obama sur l'interdépendance des nations. Le président américain a lui-même reconnu hier qu'»aucun discours ne peut éliminer des années de méfiance».

Mais aucun président américain n'aura incarné autant que Barack Obama cette humanité commune dont il s'est fait le champion au Caire. Aucun président américain n'aura contredit autant que lui la thèse du choc des civilisations. Il ne s'est d'ailleurs pas gêné, dans son discours, pour évoquer son expérience personnelle.

«Je suis chrétien, mais mon père est venu du Kenya, d'une famille qui comprend des générations de musulmans, a-t-il dit. Enfant, j'ai passé plusieurs années en Indonésie et j'ai entendu l'appel du muezzin à l'aube et au crépuscule.» Un peu plus tard, il a ajouté: «On a beaucoup parlé du fait qu'un Afro-Américain du nom de Barack Hussein Obama pouvait être élu président. Mais mon histoire personnelle n'est pas unique. Ce rêve de perspectives d'avenir pour tous ne s'est pas encore réalisé en Amérique, mais sa promesse existe pour tous ceux qui viennent sur nos côtes - ce qui inclut près de sept millions de musulmans américains dans notre pays qui jouissent de revenus et d'une éducation plus élevés que la moyenne.»

Que de belles paroles? Il faudra un certain temps avant de juger de l'impact du discours de Barack Obama au Caire. Mais celui-ci marque peut-être la naissance d'une doctrine mettant davantage l'accent sur le pouvoir de l'empathie plutôt que sur celui des armes.