Une cour d'appel en Californie a infligé mardi un revers au gouvernement américain dans une affaire de détention secrète de la CIA, en réinstaurant la plainte de cinq victimes présumées de cette pratique, a-t-on appris de source judiciaire.

A l'unanimité, les trois juges de la cour d'appel fédérale du 9e district basée à San Francisco ont rejeté les arguments du gouvernement et notamment la nécessité de protéger des «secrets d'Etat», annulant une décision de première instance.

«L'objet de cette plainte n'est pas un secret d'Etat», a estimé l'un des magistrats, Michael Hawkins, dans l'arrêt publié mardi.

Cette affaire avait été plaidée le 9 février, moins de trois semaines après la prise de fonctions du président Barack Obama.

Les défenseurs des droits de l'homme avaient accusé le nouvel hôte de la Maison Blanche de poursuivre la politique de son prédécesseur George W. Bush en la matière, et cela bien que M. Obama ait signé dès le début de son mandat un décret interdisant la pratique de la torture et ordonnant la fermeture des prisons secrètes de la centrale du renseignement.

La plainte avait été déposée il y a deux ans par cinq victimes présumées contre une filiale de Boeing, Jeppesen Dataplan, accusée d'avoir permis à la CIA, en toute connaissance de cause, d'effectuer des vols pour transférer ces hommes dans le cadre de son programme de détention secrète.

La puissante Association américaine de défense des libertés civiles (ACLU) affirme que les cinq hommes ont été «enlevés et transférés en secret dans des prisons dirigées par des agences de renseignement américaines ou étrangères en dehors des Etats-Unis, où ils ont été interrogés sous la torture».

Mais le 9 février, les avocats du gouvernement avaient indiqué que leur position restait inchangée et que l'administration s'opposait à ce que l'affaire aboutisse à un procès.

Après la décision de mardi, le gouvernement peut encore décider de porter l'affaire devant la Cour suprême.

En attendant, l'avocat de l'ACLU ayant plaidé l'affaire en février a affirmé que la décision de mardi «démolit une fois pour toutes toute cette fiction juridique, que ces faits connus dans le monde entier puissent être qualifiés de +secrets d'Etat+ devant un tribunal».

«Nos clients, qui figurent parmi les centaines de victimes de torture lors des mandats de Bush, attendent depuis des années de pouvoir ne serait-ce que faire un pas dans une salle de tribunal», a estimé Ben Wizner.

De son côté, un porte-parole du département de la Justice, Charles Miller, a indiqué que l'administration étudiait la décision, mais n'a pas fait de commentaire sur le fond.

Deux des cinq plaignants sont toujours emprisonnés, l'un au Maroc et l'autre en Egypte, tandis que les trois autres ont été libérés de la base navale américaine de Guantanamo à Cuba, sans qu'aucune accusation n'ait été retenue contre eux.

L'un de ces trois hommes, Bisher Al-Rawi, relâché l'année dernière, a réagi avec joie à la décision de la cour d'appel. «Nous avons effectué un grand pas en avant dans notre quête de justice», a-t-il déclaré, cité par un communiqué de l'ACLU.