Les États-Unis affrontent leurs démons aux Mexique. Leur consommation effrénée de drogue et le trafic incontrôlé de leurs armes sèment la mort chez le voisin du Sud: c'est ce qu'affirmait Hillary Clinton il y a trois semaines.

Le président Obama débarque à Mexico aujourd'hui pour reprendre le flambeau d'un nouveau discours, qui insiste sur la «coresponsabilité» de Washington dans la montée en puissance des cartels mexicains.

 

La prise de conscience exprimée par Hillary Clinton et les promesses formulées par le président américain lui-même afin d'épauler le Mexique dans la lutte contre les cartels de la drogue représentent un virage important dans la façon dont Washington aborde la problématique du narcotrafic.

«Jusqu'à présent, le gouvernement américain se contentait d'exprimer son soutien au Mexique, explique Jorge Chabat, analyste politique mexicain. Mais en réalité, la violence, la corruption et tous les ravages provoqués par les cartels de narcotrafiquants étaient considérés comme des problèmes purement mexicains. Or, cette fois-ci, il y a un changement de perspective. Le gouvernement américain craint réellement que la violence ne déborde sur son territoire, ce qui aurait un coût politique très élevé pour Obama», constate Chabat, spécialiste des relations entre les deux pays.

Obama lui-même a mis l'accent sur le principe de «coresponsabilité». Autrement dit, si les consommateurs de drogue américains permettent aux narcotrafiquants mexicains d'obtenir des revenus de 25 milliards de dollars par an et si 90% des armes utilisées pour semer la terreur au Mexique proviennent des filières américaines, les États-Unis doivent assumer une large part de responsabilité dans la tragédie mexicaine, qui a coûté la vie à plus de 7000 personnes au cours des 15 derniers mois.

Washington prend désormais la menace très au sérieux: depuis 2008, un déchaînement de violence s'est abattu sur la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Plusieurs rapports, élaborés par le Pentagone et d'autres instances gouvernementales, ont averti du risque de «chaos» et de contagion de la violence.

550 millions pour la sécurité à la frontière

Début avril, le Sénat américain a débloqué 550 millions US pour renforcer la sécurité à la frontière et contrôler le trafic d'armes dans le sens nord-sud, avec notamment 2000 agents supplémentaires postés aux points névralgiques. Un programme lancé en 2007 distribue par ailleurs des centaines de millions et des moyens logistiques au Mexique pour lutter contre le trafic de drogue.

Récemment, Obama a salué le courage et la détermination de son homologue Felipe Calderon dans la guerre menée contre les cartels, et il l'a comparé à Eliot Ness, l'agent incorruptible du FBI qui ést venu à bout d'Al Capone.

Face à ces flatteries, le mandataire mexicain affichera son tableau de chasse - plusieurs chefs de cartel arrêtés au cours du dernier mois ainsi que d'importantes saisies d'armes -, mais aussi certaines demandes. Le Mexique réclame en effet le rétablissement de l'interdiction de vente de fusils d'assaut en territoire américain et l'ouverture d'un débat sur la légalisation des drogues. Ce qui semble encore impensable pour les Américains.