Après avoir échappé aux filets de la police secrète de Saddam Hussein, reçu des menaces de mort, et entendu des bombes tomber à proximité de la salle où ils répétaient, le groupe de «heavy metal» irakien «Acrassicauda» a entamé une deuxième carrière aux États-Unis, plein de rêves de gloire.

Alimentant leur musique de tout leur vécu, les quatre musiciens composant ce groupe, qui tire son nom d'une espèce de scorpion noir, se sont installés dans le New Jersey, espérant devenir célèbres dans leur nouveau pays d'adoption. Les histoires de groupes qui traversent des moments difficiles et qui surmontent les obstacles pour atteindre la célébrité sont ôôvieilles comme le rock». Mais pour Acrassicauda, le parcours a été particulièrement compliqué.

«Beaucoup de groupes de heavy metal parlent et chantent sur la guerre, la mort et la destruction, mais ils n'ont pas expérimenté ça», confie le bassiste, Firas al-Lateef. «Nous, on a vécu ça.»

Après avoir passé pendant trois ans comme réfugiés en Syrie et en Turquie -et placé leur survie avant leurs rêves de gloire-, le groupe vit désormais aux États-Unis. Dans leur petit appartement, ils n'ont pas grand-chose, hormis des lits pour dormir et quelques chaises. Ils font ce que beaucoup de musiciens rêvant de devenir célèbres font: chercher des emplois et des femmes, pas forcément dans cet ordre.

«Nous sommes optimistes. Nous essayons de nous adapter à une nouvelle culture et une nouvelle société, et nous absorbons tout ce qui nous entoure», note le batteur Marouan Riyadh, 24 ans.

Acrassicauda a été formé en 2000 quand Riyadh et Fayçal Talal, guitariste et chanteur, ont rencontré le guitariste Tony Aziz, 30 ans, dans une école de Bagdad où ils étudiaient les beaux-arts. En discutant, ils ont découvert qu'ils partageaient le même amour du ôôheavy metal».

Ils se sont associés avec Al-Lateef, 27 ans, et ont donné leur premier concert deux mois plus tard devant environ 300 fans dans un petit club de Bagdad. Dans la capitale irakienne, le heavy metal n'a qu'une place minuscule. Pour trouver des cassettes de Metallica, d'Iron Maiden, d'Opeth, de Slipknot et de Savatage, il faut aller chercher derrière les étalages où on trouve surtout de la musique arabe.

Peu après ce concert, ils ont commencé à avoir des problèmes. La police secrète de Saddam Hussein, omniprésente, ne voyait guère d'un bon oeil les groupes chantant en anglais ou dans d'autres langues que l'arabe, rappelle Fayçal Talal, 25 ans.

«Nous amis nous avaient prévenus que cela arriverait, et ils avaient raison», raconte-t-il. «Ils nous ont suggéré de traduire nos textes en arabe, parce que la police secrète les demanderait, ce qu'elle a fait.»

Si la musique d'Acrassicauda fait référence à la guerre et à la souffrance, le groupe essaye de rester apolitique, parlant des injustices en général dans des chansons telles que «Between The Ashes» («Entre les cendres») et «Massacre».

«C'est comme parler du meurtre d'enfants innocents, mais cela n'a pas besoin de se passer dans votre pays, ni dans un pays particulier», observe Fayçal Talal.

Quand la coalition menée par les États-Unis a envahi l'Irak et renversé Saddam Hussein en avril 2003, la musique a dû prendre du recul. «Nous ne pensions pas survivre», poursuit-il. «Pendant la guerre, il faut rester à la maison, fermer sa porte et rester chez soi le plus possible. Des missiles et des balles tombaient du ciel.»

Après la chute de Saddam Hussein, alors que les combats se poursuivaient à Bagdad et autour de la ville, le groupe s'est reformé. En janvier 2004, ils ont joué pour 50 à 60 personnes dans une petite salle de concert, le Hindia Club.

Mais l'insurrection prenait de l'ampleur et de nouveaux dangers les attendaient. Leur spectacle suivant n'a attiré que cinq personnes. Un jour, ils ont retrouvé une note sur la porte de la salle où ils répétaient. «Cela disait, «vous feriez mieux d'arrêter. Cela ne convient pas aux traditions irakiennes ou à la religion. Arrêtez cela ou vous mourrez», se souvient Al-Lateef. ôôNous avions peur, mais nous avons pensé que de toutes façons, nous pouvions mourir d'un jour à l'autre, alors nous avons continué».

Ils ont donc ignoré ces menaces, mais ils en ont reçues d'autres. En 2005, la salle où ils répétaient a été détruite par une série d'explosions qui a démoli plusieurs bâtiments. Ils ont pensé que c'était le moment de partir. Ils ont d'abord trouvé refuge en Syrie, puis en Turquie, avant de rejoindre les États-Unis, espérant réaliser leur rêve de célébrité.