Depuis huit ans, le Dr Arnold Kriegstein a l'impression de faire son travail avec des menottes aux poignets.

Directeur du centre de médecine régénératrice de l'Université de Californie, à San Francisco (UCSF), le Dr Kriegstein interdisait à ses chercheurs de travailler à partir de cellules souches embryonnaires - la norme internationale pour la recherche visant à vaincre le diabète, la paralysie, la maladie de Parkinson ou encore la maladie d'Alzheimer.

«Nous devions nous limiter aux cellules animales, moins efficaces, dit-il. Le gouvernement fédéral nous empêchait de faire notre travail correctement.»

 

Cette ère a officiellement pris fin, hier, quand le président Barack Obama a autorisé le financement public des recherches sur les cellules souches embryonnaires, interdit en 2001 sous George W. Bush.

«La majorité des Américains de tous horizons politiques, de tous milieux et convictions sont parvenus à un consensus sur le fait que nous devons poursuivre cette recherche, a déclaré le président Obama. Que le potentiel qu'elle offre est très grand et qu'avec des règles appropriées et une étroite surveillance, les risques peuvent être évités.» Hier, le président a ajouté que le dilemme entre la science et les valeurs morales était un «faux problème». Plus de 200 millions en subventions fédérales pourraient financer la recherche dès l'été prochain.

Le Dr Kriegstein s'est réjoui de cette annonce. «Je suis tout à fait ravi de cette décision, a-t-il confié à La Presse. Cela va nous permettre d'accélérer la recherche et d'avoir les mêmes outils que nos collègues de partout dans le monde.»

Pour le vice-président exécutif de la Fondation pour la recherche sur le diabète juvénile, Larry Solers, la décision d'Obama est un pas dans la bonne direction.

«La politique fédérale en la matière était gelée depuis 2001. Les chercheurs vont désormais pouvoir bénéficier de toutes les découvertes technologiques faites depuis huit ans», a-t-il dit, ajoutant que les recherches sur les cellules souches embryonnaires pourraient aider à trouver des remèdes pour les quelque 30 millions d'Américains atteints du diabète.

Plusieurs groupes religieux ont toutefois manifesté leur désaccord avec la décision du président Obama.

«Nous ne croyons pas qu'il soit éthique de financer et d'autoriser des recherches qui demandent de tuer des êtres vivants», a dit Bill May, président de l'organisation Catholics for the Common Good.

Quand commence la vie?

Le débat sur recherche sur les cellules souches embryonnaires se résume à cette question: quand commence la vie humaine?

Pour plusieurs groupes chrétiens, la vie humaine commence à la conception. La communauté scientifique tend à conclure qu'un embryon doit avoir plusieurs semaines avant d'être considéré comme une entité propre.

Ces cellules souches embryonnaires sont à l'origine de tous les tissus et les organes de l'organisme humain. Les scientifiques espèrent pouvoir exploiter cette matière pour recréer artificiellement des tissus compatibles avec les patients souffrant de diverses maladies. Les cellules employées en recherche sont celles qui ont été rejetées par les cliniques de fertilité.

Peu de temps après son investiture, en 2001, le président George W. Bush avait signé un décret interdisant au gouvernement fédéral de financer les recherches faites à partir des cellules souches embryonnaires.

Le secteur privé pouvait continuer cette pratique, mais la décision du président avait fait peur aux chercheurs universitaires, qui craignaient de perdre leur financement s'ils étaient liés de quelque façon que ce soit à ces méthodes dénoncées par la Maison-Blanche.

La décision d'hier permet aux chercheurs de pousser un soupir de soulagement, précise le Dr Kriegstein.

«Au-delà des cellules souches, cela montre que l'administration entend faire passer la recherche scientifique avant l'idéologie. C'est un signal fort et encourageant, qui est capté par toute la communauté scientifique aux États-Unis et ailleurs dans le monde.»