Le gouvernement Obama a inculpé le seul «combattant ennemi» incarcéré aux USA, Ali al-Marri, devant une cour fédérale et non un tribunal militaire d'exception, une première qui pourrait avoir des conséquences sur le sort des «combattants ennemis» de Guantanamo.

Ce citoyen qatari et saoudien, entré aux Etats-Unis le 10 septembre 2001 en famille avec un visa étudiant, et incarcéré depuis sept ans, a été inculpé vendredi de «soutien matériel au terrorisme».

Parallèlement, le ministère de la Justice américain a annoncé qu'il allait demander à la Cour suprême de se dessaisir du dossier de M. al-Marri, comme le lui avait demandé auparavant l'administration Bush.

La Cour suprême, qui reste souveraine, a prévu d'examiner l'affaire le 27 avril. Elle doit décider si le président des Etats-Unis a l'autorité de détenir indéfiniment un homme résidant légalement aux Etats-Unis, sans inculpation ni procès, sur simple soupçon de terrorisme.

Ces deux annonces simultanées ont provoqué un mélange d'enthousiasme et de perplexité chez les avocats et défenseurs de droits de l'Homme.

«M. Obama dit au monde que les tribunaux fédéraux sont parfaitement capables de juger des affaires terroristes», s'est réjoui Human Rights Watch.

Mais la question posée à la Cour suprême «n'est ni réglée ni rendue discutable par l'inculpation d'aujourd'hui», a assuré Jonathan Hafetz, un des avocats de M. al-Marri, en promettant de poursuivre cette bataille.

«Beaucoup de gens veulent que la Cour suprême dise clairement que le président n'a pas l'autorité de détenir indéfiniment des citoyens américains ou des personnes autorisées à vivre aux Etats-Unis», a expliqué à l'AFP Sarah Mendelson, du Centre d'études stratégiques et internationales. «Il est important que ce soit gravé dans le marbre».

Elle rappelle d'ailleurs que la Cour suprême n'était pas saisie sur la culpabilité éventuelle de M. al-Marri.

La nouvelle administration, qui adopte volontiers les mêmes postures que celle de M. Bush sur les questions de terrorisme, semble vouloir conserver la possibilité de la détention illimitée, alors que le sort des 245 détenus de Guantanamo n'a pas été tranché.

Selon le professeur de droit spécialisé dans les crimes de guerre Jonathan Drimmer, l'inculpation d'al-Marri cache en effet une «tactique» pour vider le dossier de sa substance devant la Cour suprême.

Néanmoins, la décision de confier au système fédéral le jugement d'un «combattant ennemi» pourrait aussi donner le signal d'une rupture avec son prédécesseur, qui avait créé pour eux les tribunaux d'exception de Guantanamo.

C'est la «direction que nous souhaitions voir choisie», a insisté Mme Mendelson.

Le 22 janvier, en même temps qu'il annonçait la fermeture du centre de détention de Guantanamo d'ici un an, Barack Obama avait suspendu les procédures judiciaires d'exception à Guantanamo et demandé à ses services d'examiner spécifiquement la situation de M. al-Marri.

Mais bien qu'il soit qualifié de «combattant ennemi» comme eux, l'affaire de M. al-Marri n'est pas comparable en tout point à celle des détenus de Guantanamo aujourd'hui ou qui le seront à l'avenir, notamment parce qu'il a été arrêté sur le sol américain et non sur le «champ de bataille», a rappelé M. Drimmer.

Arrêté fin 2001 pour escroquerie à la carte bancaire, M. al-Marri a été déclaré «ennemi combattant» en 2003 et transféré dans une prison militaire où il a subi, selon ses avocats, tortures et mauvais traitements.