Huit millions de dollars, c'est la somme que le fabricant de cigarettes Philip Morris va devoir verser, à titre de dommages, à la veuve d'un fumeur mort d'un cancer du poumon aux États-Unis dans le cadre d'une affaire qui pourrait servir de référence à quelque 8 000 actions en justice du même type en Floride.

La décision a été rendue mercredi à Fort Lauderdale à l'issue de deux jours de délibérations venues clore un procès intenté par Elaine Hess, 63 ans, dont l'époux, Stuart, est décédé en 1997 à l'âge de 55 ans après des décennies de tabagisme. La somme accordée à la plaignante se compose de trois millions de dollars de dommages-intérêts compensatoires et de cinq millions de dommages-intérêts à titre punitif. Un montant important mais bien inférieur aux 130 millions de dollars que les avocats de Mme Hess réclamaient à l'encontre de Philip Morris USA, une unité d'Altria dont le siège se trouve à Richmond (Virginie). Le fabricant a d'ores et déjà annoncé son intention d'interjeter appel.

«Dès le début, ce n'était pas une question d'argent», a déclaré la veuve après l'annonce du jugement. «J'espère vraiment que cela pourra aider les milliers de familles qui ont également souffert.»

L'affaire Hess était la première à faire l'objet d'un procès depuis que la Cour suprême de Floride a annulé en 2006 le paiement de 145 milliards de dollars accordés six ans plus tôt dans le cadre du dossier de «class-action» (action de groupe) dit Engle.

Il s'agissait de loin du montant de dommages à titre punitif le plus élevé de toute l'histoire des Etats-Unis. L'action en justice avait été intentée en 1994 par un pédiatre de Miami Beach, le Dr Howard Engle, qui avait fumé pendant des décennies et ne pouvait pas arrêter. A l'appui de sa décision, la Cour suprême avait avancé que le cas de chaque fumeur devait être traité individuellement. Elle avait cependant validé les conclusions du jury selon lesquelles les fabricants de tabac avaient sciemment vendu des produits dangereux et caché au public les risques liés à leur consommation.

Altria, la maison-mère de Philip Morris, a diffusé un communiqué qualifiant la procédure judiciaire de Fort Lauderdale de «profondément imparfaite», et a prédit que le montant des dommages serait révisé à la baisse, voire rejeté, en appel.

«Nous projetons de contester le jugement» et de faire appel si nécessaire, a déclaré Murray Garnick, vice-président du service clients d'Altria, estimant que la décision ne présageait pas de l'issue d'affaires futures.

La prochaine devait passer dès jeudi devant le juge Jeffrey Streitfeld, du comté de Broward, qui doit traiter environ 350 dossiers liés au tabac. D'autres sont en attente dans tout l'Etat de Floride.

Au cours du procès Hess, qui s'était ouvert le 3 février, le jury a établi que Stuart Hess était responsable à 58% de la dépendance à la cigarette qui l'a conduit à la mort. Si Philip Morris l'emporte en appel, le montant des dommages-intérêts compensatoires pourrait passer de 3 millions à environ 1,3 million de dollars.

Le dossier Hess a été suivi avec attention par l'industrie du tabac et par les milliers de personnes ayant survécu à des problèmes de santé liés à la cigarette, qui ont intenté une action en justice dans l'Etat de Floride.

Pendant des décennies, les fabricants de tabac n'ont quasiment jamais perdu lors de procès les opposants à des fumeurs, mais plusieurs jugements ont récemment été rendus à leur encontre. Philip Morris, par exemple, fait actuellement appel devant la Cour suprême des États-Unis à la suite de l'octroi de dommages-intérêts de 79,5 millions de dollars accordés dans un procès en Oregon.